Le Dakota du Nord est, d’un point de vue américain, au milieu de nulle part. La grande ville américaine la plus proche est Minneapolis, au Minnesota, et sa capitale, Bismarck, est située à environ 2000 kilomètres de l’Atlantique, du Pacifique et du golfe du Mexique. Pour tout dire, Bismarck est aussi loin de Houston, la capitale américaine du pétrole, que de Chibougamau !
Loin des grands centres et peu peuplé, c’était loin d’être l’État le plus prospère. Le pétrole a tout changé.
La population croît plus vite que dans tous les autres États, la croissance économique y est la plus rapide et les revenus de ses citoyens ont augmenté de 79 % depuis 2005. Dans le conté de Montrail, au coeur de la région pétrolière, le revenu moyen de chaque personne est de 52 027 dollars. Le salaire annuel moyen d’un travailleur de l’industrie pétrolière au Dakota du Nord est de 91 400 dollars.
Le taux de chômage n’est que de 3,1 % au Dakota du Nord, il n’y a pas un autre État qui fait mieux. L’exploitation pétrolière a suscité des tonnes d’emplois, du personnel spécialisé sur les tours de forage et des professionnels, mais aussi des travailleurs de la construction et des employés non spécialisés pour les restaurants et les commerces.
Le Dakota du Nord produit environ 450 000 barils de pétrole par jour et la production pourrait doubler d’ici 2015. On s’en doute, les infrastructures existantes s’avèrent inadéquates. Pour transporter le pétrole, il faut de nouveaux oléoducs, des chemins de fer et des routes supplémentaires. La croissance rapide de la population créé un stress considérable sur le marché de l’habitation.
Pourquoi les habitants de cet État embrassent l’industrie pétrolière alors que de nombreux Québécois craignent comme la peste les conséquences du développement de cette industrie au Québec ?
Il y a sans doute plusieurs raisons. Parmi elles, le filet de sécurité social et les transferts gouvernementaux vers les provinces et régions moins prospères sont plus élevés au Canada qu’aux États-Unis.
Mais il y a un autre facteur qui m’apparaît important et qui se rapporte à la propriété même du sous-sol.
Au Canada, les ressources naturelles appartiennent aux provinces. Elles sont un bien collectif. Dans une interview à Radio-Canada au sujet du pétrole de la ville de Gaspé, l’ancien premier ministre Bernard Landry résumait très clairement de quoi il en retourne :
Le grand fleuve Saint-Laurent qui passe en face de chez moi et qui est une voie navigable extraordinaire n’appartient pas aux gens de Verchères. C’est une richesse naturelle québécoise. Et l’énergie de la baie James appartient également à l’ensemble du Québec et le pétrole de notre sous-sol ainsi que les minéraux font également partie de notre patrimoine collectif et non pas (de celui) d’une ville ou d’un arrondissement.»
Au Dakota du Nord, un fermier ou un autre particulier peut être à la fois propriétaire de son terrain et de ce qui s’y trouve en-dessous. Il a un intérêt particulier au développement pétrolier. Un article de l’agence Reuters explique comment ça marche.
Imaginons qu’un puits produit 100 barils par jour vendu à 80 dollars le baril. Ce puits génère 248 000 dollars au cours d’un mois de 31 jours. Le détenteur d’un droit de propriété sur 20 % du domaine exploité pourrait recevoir un chèque de 43 896 dollars par mois. Grâce aux redevances perçues, de 2000 à 3000 résidents du Dakota du Nord pourraient devenir millionnaires chaque année.
À ce prix, les inconvénients réels de l’exploitation sont plus facilement supportables. Si on exploitait un puits dans une ville, chaque citoyen pourrait percevoir un (petit) chèque de redevances.
L’État du Dakota du Nord perçoit également une redevance de 11,5 % des revenus d’exploitation. Elle investit 30 % des sommes récoltées ainsi dans un fonds qui ne pourra pas être touché d’ici 2017.
La discussion autour de l’exploitation pétrolière à Gaspé pose cette question fondamentale : comment accommoder la propriété collective québécoise d’une ressource et les intérêts d’une communauté ou de particuliers sur ou sous laquelle elle est située ?
Il y en a bien sûr une autre : voulons-nous exploiter nos ressources ?
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.