Un beau discours surréaliste sur l’état de l’union
Il faut probablement être journaliste à Washington pour croire que le discours annuel du Président des États-Unis sur l’état de l’union est suprêmement important. Dans 48 heures, ce discours, comme les précédents, sera largement oublié. Il le sera d’autant plus qu’il n’a pas apporté de propositions réalistes et concrètes aux problèmes urgents du moment.
Barack Obama en 60 minutes a dressé un long catalogue d’initiatives dignes d’une plateforme électorale démocrate pour les législatives de 2014. Il a en revanche très peu parlé de ce qui serait vraiment possible de faire voter d’ici là par le Congrès tel qu’il est.
Il n’y a aucune chance que la courte majorité démocrate du Sénat et la solide majorité républicaine de la Chambre des représentants adoptent une hausse du salaire minimum, un régime de taxation des émissions de carbone, ou acceptent de dépenser 50 milliards de dollars de plus pour des projets “d’infrastructure” ou créent une banque de “sécurité énergétique”. Tout cela relève du fantasme social-démocrate. C’est le programme que Barack Obama mettra en place s’il gagne les législatives de 2014.
En revanche sur les questions urgentes, Barack Obama cultive le flou et manque totalement de courage. Passons (comme lui) sur la nécessité de trouver une parade aux défis nucléaires lancés par la Corée du nord et l’Iran. Sur ces questions là, il n’avait rien à dire de plus lundi soir. Rien de nouveau sur le Mali, sur la Syrie ou sur l’après-Chavez ou l’après-Castro. Mon Dieu, si George W. Bush s’était comporté ainsi…! On entend déjà ce que l’intelligensia parisienne aurait dit. Mais Barack Obama qui facture à la France le soutien logistique du Pentagone aux troupes françaises au Mali, est infaillible. Il est interdit de le critiquer sans passer pour un salaud de républicain. Le méchant c’était Bush, don’t you forget it !
Sur la question de la réforme de l’immigration, le compromis est possible. Le Président le sent bien. Il a donc été prudent. En fait il continue de laisser un petit groupe bipartite de sénateurs faire le travail de leader qu’il refuse de faire. Sur la question de la réglementation des armes à feu, ce sera compliqué, mais un compromis n’est pas impossible. J’ai peut-être raté quelquechose, mais je n’ai pas entendu le Président demander à ses amis et financiers de Hollywood de cesser de promouvoir la violence gratuite dans leurs films…
Reste LA grande question qui devrait tout dominer: l’urgence de réduire à moyen et long terme le déficit budgétaire. Barack Obama a réussi cette prouesse d’en parler longuement sans pour autant dire quoi que ce soit de constructif.
Il oublie d’abord de dire que les républicains ont accepté, à leur corps défendant, des hausses d’impôts début janvier. Il les accuse à nouveau de bloquer tout compromis en refusant des hausses d’impôts. Il parle de négocier “un compromis équilibré”. Mais où sont les réductions de dépenses qu’il avait promises ? sur cette question, le flou triomphe à nouveau.
En matière de hausses d’impôts en revanche, son imagination et son courage sont exemplaires: plus d’impôts pour les entreprises et pour les riches, voilà la solution aux maux de la classe moyenne. En particulier, il faut selon lui un régime de contrôle de prix pour les compagnies pharmaceutiques. Sans oublier la fin d’avantages fiscaux aux compagnies pétrolières…un mythe que les républicains avaient cru dénoncer l’an dernier.
Rien dans ce discours ne permet de croire que Barack Obama a une solution pour éviter des coupures automatiques de dépenses de 85 milliards de dollars à partir du 1er mars. Il dénonce aujourd’hui cette idée qu’il a pourtant défendu et promulgué en 2011.
En fait le ton du Président montre qu’il est convaincu que les républicains seront rendus responsables des effets désagréables à court terme de ces économies forcées. Il pense sortir vainqueur dans l’opinion d’un déclenchement de ces coupures automatiques. Il peut compter sur le New York Times et les télévisions pour plaider sa cause.
Les républicains de leur côté croient qu’il vaut mieux des coupures automatiques de dépenses que pas de coupures du tout. Dans l’absolu ils ont raison. Mais la mise en chômage partiel de milliers de fonctionnaires dans quelques semaines, lorsque ces coupures interviendront, sera utilisée par les démocrates comme illustration de la cruauté des méchants républicains qui osent insister pour que l’oncle Sam ralentisse sa course à l’endettement. Les images de mères de famille, employées civiles du Pentagone, en larmes parcequ’elle n’ont plus les moyens d’envoyer leurs enfants en colonie de vacances, seront plus convaincantes que les explications des républicains sur les dangers à long terme de l’endettement public.
La politique de l’endettement systématique pour nourrir une hausse systématique des dépenses reste la plus pratique, la plus populaire, et la plus probable. Non pas parceque Barack Obama manquerait de courage politique pour proposer des réductions de dépenses. Mais tout simplement parceque le Président est sincèrement convaincu que les dépenses publiques sont bonnes pour l’Amérique. Les républicains à ses yeux jouent les empêcheurs de s’endetter en rond. À ce titre ils sont les ennemis de la classe moyenne.
Le sénateur républicain Marco Rubio, dans sa réponse au discours du Président, a cherché à expliquer que les intérêts de la classe moyenne n’étaient pas servis par l’endettement chronique et incontrôlé. Comment pourrait-il être convaincant ? il n’y a aucun coût dans l’immédiat pour l’américain à la poursuite de la politique d’endettement et de dilution du dollar pratiquée à Washington.
Le drame est que les déficits sont populaires et indolores…jusqu’à ce qu’ils cessent de l’être.
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