United States: Drones and the New Laws of War

Edited by Mary Young

 

 

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Etats-Unis: les drones et les nouvelles lois de la guerre

L’emploi par les forces américaines et principalement la CIA des drones s’est accentué ces dernières années. Barack Obama lui-même n’hésite pas à recourir à ces aéronefs commandés à distance pour des “assassinats ciblés”.

Sans que l’on y prenne vraiment garde, l’art de la guerre subit sous nos yeux des transformations cruciales. L’une d’entre elles, appelée à des développements majeurs, concerne l’emploi de drones, armement sophistiqué dont les Etats- Unis font désormais un usage massif. Ces aéronefs commandés à distance, destinés à des missions de renseignement ou de transport, sont aussi de redoutables tueurs qui opèrent dans des conditions clandestines et hors de tout cadre proprement légal. C’est en tout cas la pente suivie par les forces américaines et, plus précisément, la CIA, qui gère en grand secret ces missions bien particulières. Entre 2009 et avril 2012, on a pu compter 265 frappes réalisées par des drones, principalement dirigées contre des cibles – souvent des individus – situées sur le sol pakistanais ; et la tendance à la hausse ne cesse de se confirmer.

La double caractéristique de cette stratégie est de ne jamais donner lieu à des confirmations officielles et d’aboutir de plus en plus souvent à l’élimination de citoyens américains considérés comme de vrais terroristes par Washington, sur un territoire étranger, selon des critères laissés à la totale appréciation des services de renseignement et, pour tout dire, de la Maison-Blanche.

C’est ainsi que le Prix Nobel de la paix Barack Obama a déclenché un nombre record de frappes meurtrières, au point que les familles de certaines victimes ont porté plainte contre différents hauts responsables américains, dont le directeur de la CIA. De surcroît, en ce qui concerne les opérations effectuées en Afghanistan ou au Pakistan, on dispose de très peu d’informations sur les dommages collatéraux subis par les populations. L’homme qui avait déclaré que l’Amérique “ne torture pas”, dès les débuts de son premier mandat, a montré une stupéfiante propension à recourir aux drones tueurs en demandant à ses services de lui fournir, sur la base de critères qui ne sont soumis à aucun contrôle, une liste de suspects représentant une menace imminente contre les Etats-Unis.

Cette évolution constitue le pivot central de la “stratégie furtive” (“light footprint strategy”, on appréciera la poésie), dont Barack Obama est en train de faire la nouvelle donne des armées du futur. Avec le recours aux forces spéciales, utilisées pour l’élimination de Ben Laden, et le perfectionnement des cyberfrappes visant les ordinateurs de l’adversaire, comme c’est le cas contre le programme nucléaire iranien, le drone est un des trois moyens offensifs appelés à faire partie des priorités des dépenses militaires du futur proche. De toute évidence, cet engin polymorphe va se généraliser, si ce n’est se banaliser, ce qui braque les projecteurs sur le retard français en la matière (même si la France limite ses ambitions aux missions de renseignement, en excluant les drones tueurs). Au Mali, par exemple, les forces françaises auraient un grand bénéfice à disposer de drones performants et en nombre suffisant ce qui leur fait actuellement défaut. On en parle beaucoup, on n’agit guère: le ministre de la Défense français est le premier à regretter cette déficience.

Autant dire que cette arme requiert sans doute, sur le plan international, une meilleure définition de son emploi, car elle entraîne toute une série de développements stratégiques et ouvre la voie à de nouveaux risques de prolifération. D’ores et déjà, l’école de l’armée de l’air américaine forme plus de “piloteurs” de drones que de pilotes d’avion. Le débat est vif quant au “droit de tuer”, dont l’administration Obama fait une interprétation classée “confidentiel” et qui n’a rien pour augmenter la popularité des Etats-Unis au sein du monde arabo-musulman. Surtout, on voit se profiler le cauchemar d’un “droit de tuer” dont s’empareraient à leur tour la Russie, la Chine… ou l’Iran.

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