Maurice Taylor Against Goodyear: International Provocations and France’s Overbearing National Pride

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Maurice Taylor contre Goodyear: provocations internationales et hubris nationale

Par Christian Makarian, publié le 02/03/2013 à 09:40

Les invectives adressées au PDG du groupe Titan à la suite de sa lettre provocante sur les “soi-disant ouvriers” ne constituent pas une première. Ce dernier exemple tend même à confirmer un penchant français regrettable.

Dans un assaut de clichés sans pareil, Maurice Taylor, PDG de Titan, a renoncé à grand fracas à se porter candidat au rachat de l’usine Goodyear d’Amiens. Même s’il l’a fait sans aucune élégance, était-il bien justifié de déclencher contre lui une tempête aux accents cocardiers, comme si le “cost killer” avait menacé la République d’un nouveau manifeste de Brunswick? C’est beaucoup d’honneur. Quant aux invectives qui lui ont été généreusement adressées, elles ne grandissent pas leurs auteurs ; certains ont cru y trouver l’occasion de se refaire. Pour quels résultats? Le chef d’entreprise en question, étonnamment disponible envers les médias français, s’est offert à peu de frais une campagne de publicité dont il n’aurait même pas rêvé.

Car Maurice Taylor n’est pas un apprenti surpris par la réaction française, loin de là. Engagé dans les rangs du Parti républicain, le “Grizz”, diminutif de “Grizzli”, en référence à ses méthodes brutales, a été candidat lors de l’élection présidentielle américaine de 1996 (qui vit la reconduite de Bill Clinton au pouvoir). Même aux Etats-Unis, il passe pour une sorte de caricature droitière, coutumier de phrases à l’emporte-pièce contre les syndicats, l’Etat fédéral, le Parti démocrate, Barack Obama… Raison de plus pour ne pas lui servir la soupe, d’autant qu’il n’a pas hésité à se resservir avec appétit.

L’affaire confirme un penchant français regrettable. Il y a quelques mois, c’était l’Indien Lakshmi Mittal qui était l’objet de toutes les vindictes. Puis vint le tour de Carlos Ghosn, figure type de la mondialisation, accusé d’avoir délaissé Renault au profit de Nissan. Qui sera le prochain PDG à subir la charge de responsables politiques qui refusent d’admettre les effets de la compétitivité insuffisante de notre industrie? En quoi ce chauvinisme, auréolé de souci social, apporte-t-il une réponse aux défis économiques? On n’a jamais vu un chant patriotique sauver un emploi.

La dérive est ininterrompue et se nourrit du moindre signe, qu’il s’agisse de la perte du triple A décidée par Standard & Poors ou du message de bienvenue aux riches, lancé aux Français par David Cameron et repris par le maire de Londres, l’insolent Boris Johnson. Visiblement, la France fait recette auprès des provocateurs internationaux – ce qui n’est vraiment pas une bonne nouvelle -, comme le prouvent les charges incessantes du très libéral hebdomadaire britannique The Economist (dont le succès est croissant auprès des décideurs français). A terme, le risque est de voir s’installer, en réaction au poing brandi contre les lois du marché, un “parti de l’étranger”, tout à fait informel mais puissant dans les milieux économiques. Cela sans compter avec les vives critiques exprimées, les dents serrées, en Allemagne, pays qui redoute plus que tout autre l’affaiblissement français. Le tort serait de ne pas mesurer combien la France suscite l’inquiétude de ses principaux partenaires, à l’heure où les égoïsmes nationaux se renforcent.

Par-dessus tout, dresser la France contre le reste du monde, ne serait-ce que de manière incantatoire, conduit à deux contradictions fondamentales, totalement néfastes au redressement. D’une part, le repli est précisément le danger que François Hollande entend éviter coûte que coûte: en poursuivant l’objectif de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB, il a pour but de rassurer les marchés autant que nos voisins européens. D’autre part, la principale mission assignée aux diplomates français à travers le monde est désormais économique: depuis sa nomination, Laurent Fabius insiste sur l’élargissement de nos capacités exportatrices et sur le renforcement de notre attractivité. Le ministre vient même de nommer un spécialiste des relations franco-américaines, Justin Vaïsse, à la tête du Centre d’analyse, de prospective et de stratégie du Quai d’Orsay. Autant dire que le haro sur les capitalistes sans frontières revient à épouvanter les investisseurs étrangers et à ruiner tous ces efforts.

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