Tarantino at 50

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Il fut le jeune cinéaste américain emblématique des années 90. Un cinéphile autodidacte n’ayant pas terminé son secondaire, nourri aux films de la Nouvelle Vague dans le vidéoclub de Los Angeles où il travaillait au salaire minimum.

Quentin Tarantino, l’ex-enfant terrible du cinéma américain, a eu 50 ans mercredi. En marge de ses sorties publiques parfois erratiques (notamment à propos des femmes), il a construit une filmographie riche qui en a fait l’un des cinéastes les plus singuliers et influents des 20 dernières années.

J’ai croisé ce drôle d’oiseau il y a quelques années au Festival de Cannes. Les verres fumés vissés sur un grand nez arqué, la chemise entrouverte, les cheveux ébouriffés, la bedaine triomphante, l’air hagard du gars en lendemain de veille. Pas du tout nerveux comme à son habitude, silencieux et calme, ce qui n’est pas rien de la part d’un incorrigible verbomoteur.

Quentin Tarantino a fait une entrée fracassante dans le monde du cinéma. En l’espace de deux ans, il est devenu une figure incontournable du septième art. En 1992, il a réalisé son premier long métrage, Reservoir Dogs, qui a fait sensation au Festival de Sundance. True Romance de Tony Scott, qu’il a coscénarisé avec Roger Avary, son collègue commis de vidéoclub, et Natural Born Killers d’Oliver Stone (dont il a signé le scénario original, assez remanié par Stone pour qu’il n’y reconnaisse plus sa plume) ont pris l’affiche en 1993 et 1994.

Cette même année, grâce à Pulp Fiction, brillant chassé-croisé de trois récits campés dans le milieu du crime organisé, Tarantino a remporté, à 31 ans seulement, la Palme d’or du Festival de Cannes. Pulp Fiction lui a aussi mérité l’Oscar du meilleur scénario avec Roger Avary (le futur cinéaste de Killing Zoe). Tarantino, qui n’avait pas réussi à amasser les sommes requises pour réaliser lui-même ses deux premiers scénarios, allait désormais avoir les moyens de toutes ses ambitions.

Il n’a pas fait d’école de cinéma comme plusieurs de ses pairs, mais Quentin Tarantino, né à Knoxville dans le Tennessee et élevé en banlieue de Los Angeles, a puisé dans les rayons du Video Archive (le fameux club vidéo qui l’employait) les références qui ont nourri toute sa filmographie. Il a puisé son inspiration dans le cinéma de blaxploitation des années 70 comme dans les westerns spaghettis, les films de gangsters ou d’arts martiaux, mais il s’est forgé une identité propre et une personnalité forte.

Pasticheur de talent ou transmetteur de l’histoire du septième art? Certains voient dans ses hommages à des cinéastes et des films du passé (souvent mésestimés, aux accents psychotroniques) une paresse de créateur et un automatisme irritant. D’autres perçoivent en lui le porteur d’un flambeau pour des légions de cinéphiles en herbe. Un allumeur d’étincelles.

La violence esthétisée de ses films, caricaturale, burlesque, teintée d’humour noir, a été interprétée de bien des manières, pour le meilleur et pour le pire. Elle n’a pas engendré que du bon. Les cinéastes qui se réclament de Tarantino n’ont pas tous eu son génie pour amalgamer culture cinématographique et culture populaire.

Il a touché à bien des genres: le film de gangster, le film noir, le film de sabre, le film de guerre fantaisiste, le western. Mais le cinéma de Quentin Tarantino est pratiquement un genre à part. Il a un style unique, cool et kitsch, à la fois rétro et moderne. Un sens inouï du dialogue, du mariage difficile entre le dramatique et l’humour décalé. Un oeil pour les plans saisissants et les scènes d’anthologie (Mélanie Laurent courant dans l’herbe haute d’Inglourious Basterds). Un goût certain pour les bandes sonores irrésistibles.

Il a remis au goût du jour des artistes oubliés, notamment sur la bande originale de Pulp Fiction, grand classique du genre. Il a fait de même avec quantités d’acteurs: Pam Grier dans Jackie Brown (sa seule adaptation, d’un roman de Elmore Leonard), David Carradine dans Kill Bill, John Travolta dans Pulp Fiction. Il a révélé des acteurs extrêmement talentueux: Steve Buscemi dans Reservoir Dogs, Uma Thurman dans Pulp Fiction ou encore Christoph Waltz dans Inglourious Basterds.

Ses admirateurs (j’en suis) lui pardonnent tous ses excès, ses scénarios qui s’étirent et se complaisent dans la violence, son humour parfois douteux et même son jeu approximatif (que dire de l’accent australien farfelu et inutile de son personnage dans Django Unchained?). Pour une raison fort simple: il n’est jamais ennuyeux.

Ses films forment une oeuvre cohérente. Huit longs métrages (ou plutôt sept: il considère Kill Bill comme un seul et unique film), composant une filmographie qu’il chérit considérablement. En entrevue au New York Times récemment, il avouait ne pas croire être toujours cinéaste dans dix ans. Il ne voudrait pas, par orgueil ou par habitude, compromettre son héritage artistique en signant un film de trop. «Je ne veux pas faire un film moins réussi que Death Proof», admet-il.

Plusieurs se sont demandé, au début des années 2000, après quelques collaborations mitigées avec son ami Robert Rodriguez, si les meilleurs films de Tarantino n’étaient pas derrière lui. C’était sans compter sur le diptyque époustouflant de Kill Bill, et sur la maestria d’Inglourious Basterds et de Django Unchained. Il a toujours eu une signature unique, mais à 50 ans, parions que le meilleur de Quentin Tarantino est encore à venir.

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