Civil Rights: America Is Going Backward

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Tandis que les incidents racistes se multiplient aux États-Unis, la Cour suprême étudie l’éventualité d’abroger certaines dispositions du Voting Rights Act de 1965. Verdict au mois de juin.

Alors que, depuis plusieurs mois, les incidents racistes sont en pleine recrudescence aux États-Unis, des lois qui jouèrent un rôle essentiel dans l’instauration de l’égalité raciale courent le risque d’être abrogées. La Cour suprême pourrait en effet décider d’invalider une disposition clé du Voting Rights Act (1965), la loi emblématique du mouvement pour les droits civiques qui impose à la quasi-totalité des États du Sud, mais aussi à certains territoires comme le Bronx, à New York, d’obtenir l’aval du gouvernement fédéral pour tout changement des règles électorales.

L’objectif du texte était de mettre un terme aux discriminations qui empêchaient les habitants noirs de ces États d’exercer pleinement leur droit de vote. La loi doit être périodiquement prorogée par le Congrès (elle l’a été pour la dernière fois en 2006), après actualisation des critères de discrimination qu’elle recense. Mais le comté de Shelby, en Alabama, qui est blanc à 90 %, a récemment mis en cause devant la Cour suprême la constitutionnalité du Voting Rights Act. Après l’élection d’un président noir, une telle suspicion de racisme électoral n’est paraît-il plus acceptable… Entre 1982 et 2006, le Voting Rights Act a pourtant empêché l’adoption d’un millier de projets de lois discriminatoires !

Quotas

Une autre disposition cruciale pourrait être démantelée par la Cour suprême : les quotas ethniques mis en place par les universités américaines. Tout est parti d’un recours déposé par Abigail Fisher, une jeune Blanche recalée par l’université du Texas – en dépit d’un excellent dossier – au nom de la discrimination positive. Selon les spécialistes, la Cour pourrait décider qu’à l’avenir l’origine ethnique ne soit plus qu’un critère parmi d’autres (l’origine sociale, par exemple) d’admission à l’université. Les décisions de la Cour sont attendues en juin.

Le 13 mars, un adolescent noir tombe sous les balles de policiers. Aussitôt, Brooklyn s’embrase.

Mais il y a plus inquiétant : l’augmentation des incidents racistes. Le mois dernier, le président (blanc) de la prestigieuse Emory University, en Géorgie, s’est publiquement félicité du compromis adopté en 1787 afin d’évaluer le poids des États du Sud au Congrès. Ce texte évaluait la valeur d’un esclave aux trois cinquièmes de celle d’un homme libre. Tollé général ! Peu après, dans l’Ohio, les murs de la pourtant très progressiste Oberlin University ont été recouverts de croix gammées et de slogans racistes. Un individu revêtu de la robe et de la cagoule blanches du Ku Klux Klan a été aperçu à proximité des dortoirs… Enfin, un an après l’assassinat de Trayvon Martin, jeune Noir de Floride abattu par un vigile bénévole (le procès de ce dernier doit s’ouvrir le 10 juin), un autre adolescent noir, Kimani Gray, est tombé sous les balles de policiers, à Brooklyn. Le 13 mars, la colère de la communauté noire a viré à l’émeute. Entre policiers new-yorkais et jeunes noirs ou latinos, la défiance est à son comble. Au nom de la politique dite du stop and frisk, ces derniers sont en effet l’objet de fouilles systématiques. Une pratique dont la constitutionnalité est d’ailleurs en cours d’examen par un juge fédéral.

Maigre consolation, une statue grandeur nature de Rosa Parks vient d’être dévoilée au Capitole par Barack Obama. Saluant la mémoire de cette femme qui, en refusant de céder sa place dans un bus, contribua au lancement du mouvement pour les droits civiques, le président a estimé que « par un geste des plus simples, Rosa Parks avait aidé à changer l’Amérique ». L’Amérique a changé, c’est certain, mais jusqu’à quel point ?

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