Obama or Drone Mania?

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Obama ou la drone mania?

De notre correspondant Philippe Coste, publié le 05/04/2013 à 13:56

WASHINGTON (Etats-Unis) – Plus de quatre ans après sa mise en oeuvre, un imbroglio politico-juridique entoure toujours la guerre des drones, coeur de la politique antiterroriste de la Maison-Blanche.

Reuters/Yuri Gripas

Rand Paul n’est pas un tendre. L’honorable représentant du Kentucky a accusé Hillary Clinton de haute trahison, et son programme politique, acclamé par ses collègues du Tea Party, prévoit la quasi suppression de l’Etat. Pourtant, l’incendiaire républicain s’est découvert des millions d’amis de gauche et d’extrême gauche dans la marée de tweets qui a salué, le 14 mars, son insurrection contre le pouvoir de vie et de mort exercé par Barack Obama, grand maître des drones tueurs de terroristes. Ce jour-là, Rand Paul a pris la parole au Sénat sans discontinuer pendant treize heures. Objectif: questionner la légalité constitutionnelle du programme secret d’assassinats ciblés par drones, notamment dans l’hypothèse où il serait appliqué sur le territoire américain… Vaincu par la lassitude, Eric Holder, ministre de la Justice, lui a fait transmettre le message suivant : “Si votre question est de savoir si le gouvernement peut utiliser, sur le territoire américain, un drone armé afin de tuer un Américain non combattant, la réponse est non.”

Les inquiétudes de Rand Paul peuvent sembler loufoques, mais elles sont révélatrices du degré de suspicion qui règne au sein de l’opinion. Plus de quatre ans après sa mise en oeuvre, un imbroglio politico-juridique entoure toujours la guerre high-tech, coeur de la politique antiterroriste de la Maison-Blanche.

REVIREMENT – L’opinion publique américaine voit désormais dans le recours aux drones un risque d’abus de pouvoir.

Reuters/J. Reed et Idé

Aux yeux des associations de défense des libertés publiques et d’une partie du Congrès, ce document secret ressemblait fort à celui qu’avait produit le département de la Justice, à l’époque de George W. Bush, afin de légaliser l’usage de la torture dans les sites secrets de la CIA. En clair, les drones seraient à Obama ce que Guantanamo était à Bush – un symbole patent d’abus de pouvoir.

La CIA dessaisie au profit des forces spéciales

Nombre de membres de l’ancienne administration républicaine refusent la comparaison: “Le recours systématique à ces engins représente un constat d’échec, maugrée Dick Cheney, l’ex-vice président, lors d’une rare interview télévisée. L’abandon des interrogatoires spéciaux, qui fournissaient des renseignements précieux, a conduit à tout miser sur une politique d’assassinats stériles et inopérants.”

Conscient du revirement de l’opinion contre son droit régalien de vie et de mort, Barack Obama a voulu jouer la transparence et légaliser, une fois pour toutes, l’emploi des drones armés. Mais les cris d’orfraie des juristes de la Maison-Blanche l’ont dissuadé d’aller trop loin. A l’avenir, le Congrès sera consulté si un autre citoyen américain devait être visé. Quant à la CIA, jugée trop sulfureuse et secrète, elle sera bientôt dessaisie de ces opérations, qui seront confiées aux militaires des forces spéciales, réputés – à tort ou à raison – plus vertueux et légalistes que les civils des services de renseignement.

Alors que d’autres pays commencent à recourir aux mêmes technologies, Barack Obama entend établir des normes internationales soumettant les drones aux usages du droit de la guerre. Il n’est pourtant pas le mieux placé pour donner des leçons à ce sujet.

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