"Without Martin Luther King, There Wouldn't Be an Obama"

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“Sans Luther King, pas d’Obama”

Simple soldat à l’époque de Martin Luther King, Gerald Durley éclaire à lui tout seule la lutte des Noirs de cette époque. Témoignage de cet homme de l’ombre qui, avec d’autres, ont aidé le révérend dans sa quête de l’égalité des droits entre les Blancs et les Noirs.

Les vieux réflexes ont la vie dure. A peine s’est-il assis que Gerald Durley me demande si je ne suis pas de la CIA et ou du FBI! “Mon téléphone a été mis sur écoute pendant dix ans, je vous garantie que ce n’est pas de la simple paranoïa. Donc quand quelque chose intervient dans ma vie et que ce n’est pas habituel (comme cette interview), je suis immédiatement sur mes gardes”.

Gerald Durley était un “foot soldier”, un simple soldat, à l’époque de Martin Luther King. Il éclaire à lui tout seule la lutte des Noirs de cette époque. Gerald quitte son Colorado natal en 1960, pour Nashville Tennessee parce qu’il a obtenu une bourse d’études grâce au basket. C’est un géant qui frise les deux mètres. Au moment, où il arrive, le mouvement des Droits civiques conduit par le révérend Martin Luther King est en ébullition. La révolte est dans l’air, les émeutes se multiplient.Gerald ne connait pas la brutalité des coutumes du sud. “Il y avait aussi du racisme sur la côte ouest mais il n’était pas légalisé comme là-bas. C’était plus dans l’attitude que les blancs avaient à notre égard, cette impression permanente que nous étions inférieurs, c’était au fond plus hypocrite. Le Sud avait le triste mérite d’être franc du collier”.

Alors quand, il descend du bus et qu’il voit “fontaine pour les Noirs” et “fontaines pour les Blancs”, il a tout de même un choc mais ne cède pas. “Je suis allé ostensiblement vers celle des Blancs mais on m’a immédiatement retenu. J’ai quand même refusé d’utiliser celle des Noirs”. Très vite ce géant se lance dans la lutte sur le campus. Il fait partie de ces innombrables hommes de l’ombre qui ont aidé King dans sa quête de l’égalité des droits entre les Blancs et les Noirs. Lui et ses amis occupent les trains, les stations de bus et les cinémas. “On descendait en ville, on se mettait dans la queue et on demandait un ticket. A cette époque, les Blancs occupaient l’orchestre et les Noirs le balcon. On appelait çà les ‘Crow seat’ ou ‘Crow nest’, en référence aux lois Jim Crow (surnom donné aux lois basées sur la ségrégation raciale). Le but du jeu étant bien évidemment d’obtenir un ticket pour l’orchestre”. Sa marche de manœuvre est compliquée. Comme il a obtenu une bourse, ses parents qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’université, sont terrorisés à l’idée que son militantisme lui retire sa bourse, son coach lui conseille vivement de se calmer. Mais rien n’y fait. Le moment est historique, l’égalité à portée de main.

Soit il s’enrôle dans l’armée, soit il quitte le pays

Gerald admet que son activisme de l’époque était plus politique que religieux. “On trouvait même que la façon de procéder de King était trop douce, on était jeune, et quand on est jeune on préfère souvent la manière forte”. Gerald ne peut se rendre à Washington mais le “rêve” de King lui coûte cher. Lorsqu’il quitte l’université, le FBI lui fait comprendre qu’il n’a guère le choix. Soit il s’enrôle dans l’armée, soit il quitte le pays. Il rejoint alors la première formation des Peace Corps (Corps de la Paix, agence du gouvernement américain) et il part deux ans au Nigeria. Mais le FBI a la rancune tenace et il est clair que Gerald va avoir des difficultés à rentrer au pays. “On était ce qu’on appelle les Black Expatriates, en termes clairs, on empêchait les Noirs activistes de rentrer au USA. C’est ainsi que j’ai passé deux ans, en Suisse, à Neufchâtel. J’avais un ami là-bas qui était algérien. Il m’est apparu qu’il vivait chez vous, en Europe, ce que nous les Noirs, on vivait aux États-Unis. D’ailleurs, il a été assassiné dans des conditions non élucidées”.

Le retour se fait finalement, en 1967. Et il se retrouve, en Indiana où il trouve un emploi dans une usine d’acier. Il a vingt-cinq ans et le virus du militantisme ne l’a pas quitté. Il participe à la formation du fameux Congressional Black Caucus (représente les élus Afro-américains au Congrès). Puis part à Chicago et rejoint les Black Panthers. Dans le même temps, il poursuit ses études et touche enfin du doigt le “rêve de MLK”. Washington l’appelle et il rejoint le ministère de l’Education. S’il débute le militantisme, relativement dépourvu de la moindre étincelle religieuse, Gerald Durley a depuis compris que les marches du pouvoir ne peuvent être atteintes sans elle. Tout en travaillant, il s’inscrit à l’université d’Howard, où il obtient un Master en Divinité. Il a 40 ans et déménage à Atlanta. “Lorsque l’on construit une maison, il y a d’abord les fondations. King était les fondations. Sans lui, le mouvement des Droits civiques n’aurait pas tenu. Prenez par exemple le cas des Indiens d’Amérique, ils se sont battus pour le territoire, ils ont affronté la cavalerie et ils ont perdu. King disait ‘aime tes ennemis et laisse Dieu prendre leurs âmes’. Il nous a montrés le chemin de la lutte, celle de la loi et de la spiritualité. Et il nous a fait gagnés”.

“Nous allons nous battre pour Hillary. Nous avons déjà commencé!”

Gerald Durley habite désormais dans le triangle magique, au sud de la ville, là même où réside encore certains des très proches de King, comme John Lewis, membre du Congrès, ou encore le révérend Joseph Lowery (fondateur avec King de la redoutable Southern Christian Leadership Conference). Ce fameux triangle où vit une population noire qui a les moyens de se payer des maisons à plus de trois millions de dollars. La finalité du rêve de King? “Non bien sûr, pas seulement. L’aboutissement de son challenge est ailleurs. Il est aussi en Barack Obama, premier président noir élu, en Amérique. Sans King pas de Obama. Mais nous devons être vigilants, ne pas baisser la garde. Le Tea Party nous le rappelle. Les Républicains sont encore là, en embuscade, prêts à changer les lois afin que les Noirs ne puissent plus voter. Nous revenons de loin et deux choses nous ont rendus très fort : nous n’avons pas eu peur de prendre des risques et de nous sacrifier ».

Alors, à 72 ans, Gerald Durley continue la lutte. Le jour où je l’ai vu, c’était un mardi. Or tous les mardis, à 7h le matin, il prend son téléphone et c’est parti pour une vidéo conférence qui réunit ce qu’il appelle un “Faith group”, un groupe de prière. Le destinataire? Barack Obama. L’appel aboutit à Washington avec Valerie Jarrett (conseiller de Barack Obama). Parfois Obama y participe. “Nous sommes en quelque sorte, un groupe de vigilance politique, morale et spirituelle. Nous veillons. Ce matin, par exemple, nous avons beaucoup parlé du tweet de Glenn Beck (polémiste américain conservateur) qui comparait l’acteur dans ce film pseudo biblique à Obama”. Le groupe compte de 10 à 20 participants, dont le très militant révérend baptiste Al Sharpton. Ce sont des hommes et des femmes qui comptent dans la communauté noire, des hommes et des femmes qui calment les attentes de certains membres impatients , de ceux qui s’interrogent : “Mais au fond, qu’est ce qu’il a fait pour nous, Barack Obama?” Gerald Durley balaie la question. “Obama fait tout ce qu’il peut”. En réalité, les dirigeants influents de cette communauté noire sont déjà en marche pour la prochaine élection. L’église va même jusqu’à essayer de convaincre ses ouailles que le mariage pour tous ne peut être frappé d’infamie. “J’admets que j’ai eu du mal”, glisse Durley, tandis que le révérend Joseph Lowery ne dit pas autre chose. Mais le but en vaut la peine. Ne surtout pas perdre le pouvoir. Alors, tous ensemble pour Hillary? “Oh oui, bien sûr, que nous allons nous battre pour Hillary. Nous avons déjà commencé!”.

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