C’est un compromis ambitieux auquel vient d’aboutir un groupe bipartite de huit sénateurs américains. Un accord prometteur sur une question rarement examinée de façon sereine : l’immigration.
La proposition de loi présentée mardi 16 avril au Congrès vise à remédier au dysfonctionnement de l’un des moteurs historiques du dynamisme des Etats-Unis. Avec 11 millions d’étrangers sans papiers sur son sol, le pays doit d’urgence adapter ses lois à la réalité. D’autant que 4,7 millions de candidats à l’immigration légale, en attente depuis parfois dix ans, confirment le blocage du système.
Le texte doit, d’une part, “ouvrir un chemin” vers la régularisation des illégaux, d’autre part, orienter les flux de nouveaux venus vers les emplois qualifiés plutôt que vers le regroupement familial. Habilement, Barack Obama a poussé les feux dans un domaine où ses adversaires républicains doivent composer. Ils ont perdu la dernière présidentielle largement en raison de l’hostilité des électeurs latinos à leurs positions répressives sur l’immigration. Le président, lui, en multipliant les appels du pied aux Hispaniques durant la campagne, a réussi à leur faire oublier le nombre record d’expulsions enregistré pendant son premier mandat.
Le compromis passé est subtil : les candidats à la régularisation devront attendre que la frontière mexicaine ait été davantage “sécurisée”, et ils ne pourront obtenir la nationalité américaine que dans un délai de treize ans. Les entreprises de pointe, mais aussi l’agriculture et les services, verront leurs quotas d’immigrés augmenter, mais les syndicats ont obtenu que certaines professions frappées par le chômage soient exclues et que le nouveau système soit régulé en fonction de la situation de l’emploi. Les Latinos mais aussi les Eglises applaudissent à la voie d’accès accélérée à la nationalité – cinq ans – promise aux “dreamers”, ces jeunes sans papiers arrivés durant leur enfance aux Etats-Unis.
Si le texte est voté, il constituera la première grande réforme des lois sur l’immigration depuis celle adoptée sous Ronald Reagan, voilà plus de vingt-six ans, qui avait abouti à la régularisation de 3 millions de sans-papiers et provoqué une nouvelle vague d’arrivées. Depuis lors, le paysage a changé : les emplois sont plus rares aux Etats-Unis, même si la reprise est là ; la démographie a chuté au Mexique et l’émigration a vidé nombre de villages ; la frontière américaine est beaucoup moins poreuse ; quant à l’Amérique du Sud, elle est devenue nettement plus attirante.
Même dans un pays façonné par l’immigration, le sujet suscite les passions. La discussion parlementaire est prévue pour mai ou juin. Elle sera rude. Mais l’initiative des sénateurs républicains et démocrates montre que l’immigration peut être autre chose qu’un terrain d’affrontement démagogique. Sujet de méditation pour la France.
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