La sécheresse historique qui a fait flamber la Corn Belt (“ceinture de maïs”) de l’Amérique l’an dernier n’aurait peut-être pas été provoquée par le changement climatique. C’est en tout cas ce qu’affirme un rapport produit par cinq grandes agences fédérales américaines publié jeudi 11 avril.
L’année 2012 avait été la plus sèche ainsi que la plus chaude aux Etats-Unis depuis 1895, date du début des relevés météorologiques. Le déficit en eau s’était même révélé plus critique que celui observé pendant les Dust Bowl, la série de tempêtes de poussière qui a balayé la région des grandes plaines en 1934 et 1936. Le président Barack Obama, plus enclin à parler d’écologie depuis sa réélection, avait alors été jusqu’à citer, à plusieurs reprises, la sécheresse comme une preuve du changement climatique qui menace le pays.
VARIATIONS NATURELLES DU CLIMAT
Mais cette thèse s’est vue réfutée par la vingtaine de scientifiques qui ont participé à l’étude. Selon eux, cette catastrophe, qui avait provoqué des pertes estimées par l’ONU à 20 milliards de dollars, et entraîné une flambée des prix des denrées alimentaires, s’explique par une série de variations naturelles du climat, “une séquence d’événements malheureux qui se sont produits soudainement”.
Grâce à des simulations par ordinateur, les scientifiques ont constaté que l’air humide en provenance du golfe du Mexique n’a pas pu se diffuser vers le nord comme c’est le cas en temps normal. Le jet-stream, qui d’ordinaire transporte l’humidité du golfe, était ainsi “coincé” loin au nord du Canada. Résultat : le pays n’a pas connu de pluie du printemps (avril-mai) et les mois de juillet et août ont échoué à apporter leurs lots d’orages habituels, tandis que ceux qui se sont néanmoins produits ont entraîné peu de précipitations.
“Ni l’état des océans ni le changement climatique provoqué par l’homme, facteurs qui peuvent être prédits à long terme, ne semblent avoir joué un rôle important dans l’apparition des déficits pluviométriques dans les grandes plaines centrales”, conclut le rapport.
“Les circonstances étaient si étranges que la sécheresse n’aurait jamais pu être prédite. C’est l’un de ces événements qui ne se produit qu’une fois tous les deux cents ans”, ajoute l’auteur principal, Martin Hoerling, météorologue à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).
ÉTUDE PARTIELLE
Ces conclusions étonnantes n’ont pas fait l’unanimité au sein de la communauté scientifique. Kevin Trenberth, responsable de l’analyse du climat au Centre national de recherche atmosphérique, un centre universitaire financé par le gouvernement fédéral, a ainsi déclaré à l’Associated Press que le rapport ne prend pas en compte le manque de neige que les Rocheuses avaient connu l’hiver précédent – en raison du changement climatique – et la façon dont ce déficit avait affecté l’humidité de l’air. N’a pas été considérée, non plus, la façon dont le réchauffement mondial a exacerbé le maintien du jet-stream au nord des Etats-Unis.
“La réalité, c’est que la variabilité naturelle du climat a été aggravée par le réchauffement climatique, assure Kevin Trenberth. C’est aussi le cas pour des événements comme la canicule russe de 2010 ou la sécheresse et les vagues de chaleur qui ont touché l’Australie l’an dernier.”
Autre travers pointé : le rapport s’est focalisé sur six Etats américains – Wyoming, Kansas, Nebraska, Colorado, Missouri et Iowa –, alors que le sécheresse s’est rapidement propagée sur l’ensemble du continent. Au cours du mois de juillet, 61 % du territoire américain étaient ainsi déclarés en situation de déficit pluviométrique aigu.
LE RÉCHAUFFEMENT EN DÉBAT
Ce différend et les moyens mis en œuvre dans la réalisation d’un tel rapport gouvernemental démontrent une nouvelle fois que le réchauffement de la planète, ainsi que le rôle joué par l’homme dans ce changement font toujours débat outre-Atlantique.
Pas plus tard que mercredi, le représentant républicain du Texas, Joe Barton, arguait très sérieusement d’une “divergence de preuves” sur la cause du réchauffement climatique en prenant pour exemple le déluge biblique. “Si vous êtes croyant, on peut dire que le déluge est un exemple de changement climatique, et ce n’était certainement pas parce que l’humanité avait trop développé les énergies fossiles”, a-t-il déclaré, cité par ABC News, lors d’auditions sur le projet controversé de pipeline Keystone XL, qui doit transporter vers les raffineries du golfe du Mexique le pétrole extrait des sables bitumineux du Canada.
Pourtant, les études scientifiques, et notamment américaines, le démontrent sans cesse : une température mensuelle mondiale inférieure à la moyenne du XXe siècle n’a plus été observée sur Terre depuis le mois de février 1985. Signe du réchauffement en cours, les dix mois de novembre les plus chauds depuis 1880 sont survenus ces douze dernières années, tandis que les dix mois de novembre les plus froids datent tous d’avant 1920.
Conséquence : les événements climatiques extrêmes, et en particulier les sécheresses, se sont multipliés depuis trente ans en Amérique du Nord et sont amenés à augmenter encore dans le futur, selon une étude du réassureur allemand Munich Re publiée en octobre. En décembre, une étude américaine publiée dans Nature Climate Change mettait, de son côté, en garde contre la réduction probable des ressources hydriques des régions du Sud-Ouest des Etats-Unis à cause du réchauffement climatique.
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