Repères – L’immigrant suspect
25 avril 2013 | Claude Lévesque | États-Unis
L’attentat contre les marathoniens de Boston a curieusement nourri les argumentaires des défenseurs comme des adversaires de la réforme de l’immigration aux États-Unis.
Les partisans de cette réforme affirment que les mesures proposées feront sortir de la clandestinité des millions de personnes qui ne sont en rien des terroristes ou des criminels, laissant à ces derniers une moins grande masse dans laquelle se fondre. Ils font également valoir que le projet de loi actuellement à l’étude au Sénat prévoit un renforcement des contrôles aux frontières.
Pour les adversaires de la réforme, au contraire, il ne faut d’aucune façon faciliter l’acquisition de la citoyenneté américaine, puisque les terroristes de Boston sont originaires de la lointaine Tchétchénie et qu’ils se sont si peu adaptés au mode de vie et aux valeurs de leur pays d’adoption qu’ils sont devenus des monstres. Rappelons que les frères Tsarnaev sont arrivés aux États-Unis avec leur père, légalement en tant que réfugiés, il y a une dizaine d’années, et que l’un d’eux, Djokhar, a acquis la citoyenneté américaine l’an dernier.
Divergences mineures
On estime qu’environ 11 millions d’étrangers se trouvent, contrairement à eux, en situation irrégulière aux États-Unis. De façon générale, on peut dire que les démocrates souhaitent surtout qu’on normalise, sous conditions, le statut de la grande majorité de ces gens. Du côté des républicains, le resserrement des contrôles aux frontières du pays constitue le plus souvent la priorité.
Mais on ne peut pas dire que l’immigration soit un thème qui oppose irrémédiablement les deux grands partis politiques américains. À preuve, c’est un groupe de huit sénateurs, quatre républicains et quatre démocrates qui a déposé le projet de loi sur la réforme la semaine dernière, trois jours après le marathon de Boston.
Pour le sénateur Lindsey Graham, il n’y a pas de différence entre les enfants qui arrivent aux États-Unis très jeunes et qui se radicalisent ensuite, comme les frères Tsarnaev, et ceux qui y naissent et qui se radicalisent eux aussi. « Vous ne pouvez quand même pas dire que personne ne peut entrer au pays », a lancé cet élu républicain, qui est un des huit sénateurs parrainant le projet de loi.
Dans la même veine, un ancien fonctionnaire de l’immigration a dit : « Vous pouvez avoir les meilleures procédures pour trier les étrangers qui entrent sur le territoire, ça ne veut pas dire que vous pouvez prévoir leur comportement dans dix ans. »
La semaine dernière, d’autres sénateurs républicains ont proposé que le débat sur la réforme de l’immigration soit reporté à la lumière de ce qui s’est passé dans la capitale du Massachusetts. À leurs yeux, le système ne fonctionne pas bien. On ne voit pas très bien où ils veulent en venir puisque tout le monde s’entend là-dessus. Le débat porte plutôt sur la façon de l’améliorer.
Pour America’s Voice, l’un des principaux groupes de pression militant pour la réforme, tout amalgame entre l’attentat de Boston et le projet de réforme de l’immigration relève de la démagogie.
Nécessaire réforme
Les bombes au marathon ne devraient pas servir d’excuse pour bloquer cette réforme, pensent aussi bon nombre de parlementaires. Au contraire, ce drame devrait inciter les élus à agir plus rapidement, pense le républicain Lindsey Graham. Un autre membre de la Chambre haute, le démocrate Charles Schumer, qui fait également partie du « groupe des huit », a noté que ceux qui s’en servent pour essayer de retarder la réforme y étaient de toute façon opposés dès le départ.
Il est peu probable que l’attentat de Boston change l’opinion des Américains, qui sont plutôt favorables à l’immigration et à une normalisation ordonnée des sans-papiers, sauf peut-être à très court terme. Il ne faut cependant pas oublier que le même Sénat a rejeté récemment une mesure très timide de contrôle des armes à feu même si elle avait la faveur du public. Parfois, la politique washingtonienne est ainsi faite : de puissants lobbies imposent leur volonté.
À l’autre bout du monde, divers porte-parole des rebelles du Caucase (Tchétchénie et Daghestan) ont nié toute implication dans l’attentat, précisant qu’ils luttent uniquement contre la Russie et invitant les médias à ne pas relayer la propagande de Vladimir Poutine, qu’ils soupçonnent de vouloir exploiter la situation.
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