Syria: Has Obama Fallen into His Own Trap?

Edited by Kyrstie Lane

 

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DECRYPTAGE – En n’écartant pas une intervention militaire en cas d’utilisation d’armes chimiques par Damas, les Etats-Unis font aujourd’hui face “à la ligne rouge” qu’ils avaient eux-mêmes tracés. Quelles sont les marges de manœuvres de Barack Obama? Eléments de réponse avec plusieurs spécialistes.

La ligne rouge franchie par Damas?

Faute de preuves suffisantes, Washington ne sait toujours pas si le régime de Bachar el-Assad a eu recours à des armes chimiques dans le conflit qui embrase la Syrie depuis plus de deux ans. Pour la Maison-Blanche, leur usage aurait bien eu lieu. “Mais nous ne savons pas comment elles ont été utilisées, quand elles ont été utilisées, qui les a utilisées”, affirmait la semaine dernière Barack Obama. “Nous jugeons hautement probable que quelque utilisation d’armes chimiques que ce soit en Syrie est le fait du régime”, a précisé lundi son porte-parole, Jay Carney.

Dès le mois d’août 2012, le président américain évoquait une “ligne rouge” à ne pas franchir sur la question de l’utilisation ou du déplacement d’armes chimiques. La mise en garde de Barack Obama était claire : si “l’équation” changeait, “l’ordre” de ne pas “intervenir militairement” pourrait être reconsidéré. “Les Etats-Unis ont placé cette ligne rouge suffisamment haut pensant qu’elle ne serait jamais franchie, ils se retrouvent pris dans leur propre piège”, explique au JDD.fr Vincent Desportes, ancien général de l’armée française et professeur à Sciences Po Paris. “Barack Obama n’a jamais eu envie d’intervenir en Syrie”, ajoute ce spécialiste de stratégie militaire. Pour Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie à l’Université Lyon 2, cette ligne rouge “était une menace adressée au régime syrien, mais c’était bien mal connaître le pays…”

Quelles “options” pour Washington?

Entre mises en garde et prudence, la diplomatie américaine se retrouve désormais dans une position complexe. Que fera la Maison-Blanche si Damas a bien eu recours à ces armes? La semaine dernière, Barack Obama affirmait que plusieurs “options” étaient à l’étude. “Si cette utilisation est prouvée, les Américains ne pourront pas ne rien faire puisque leur crédibilité est en jeu”, relève le général Desportes. “Mais il n’y a ni intérêts ni façons d’intervenir qui seraient favorable aux Etats-Unis”, dit-il.

L’option militaire paraît impossible, d’autant plus que Washington ne voudra pas certainement agir seul. “Cela peut passer par un plus grand soutien aux rebelles syriens, en accordant davantage de crédits pour les entraîner ou en leur livrant des armes”, analyse Fabrice Balanche. Ce dernier point fait d’ailleurs déjà débat, notamment en Europe, et n’est pas forcément conditionné à celui des armes chimiques. Selon plusieurs médias, les insurgés auraient même déjà récupéré des armes. Egalement interrogé par leJDD.fr, François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), estime que Barack Obama dispose quand même “d’une marge de manœuvre assez large”. “En fixant cette ligne rouge, le dirigeant a évoqué des ‘quantités d’armes chimiques'”. Pour se donner du temps, “il peut donc jouer sur la définition de cette ligne”.

Des armes chimiques chez les rebelles aussi?

Réputée pour ses déclarations tranchées, Carla del Ponte, membre de la Commission d’enquête de l’ONU sur les violations des droits de l’Homme en Syrie, a affirmé dimanche à la télévision suisse avoir vu un rapport “sur des témoignages recueillis concernant l’utilisation d’armes chimiques (…) par les opposants”, en citant le gaz sarin. La Commission d’enquête de l’ONU a ensuite précisé n’avoir fait aucune conclusion sur ces “allégations”. La présidence américaine s’est pour sa part dite “hautement sceptique” sur cette information.

“Si une preuve est réellement apportée, cela mettrait fin à toute possibilité d’armer les rebelles”, juge François Heisbourg. D’un point de vue diplomatique pourtant, ce scénario ne présenterait pas que des désavantages pour les Etats-Unis. “Cela permettrait très probablement de faire durer les négociations sans avoir besoin d’intervenir”, explique Vincent Desportes, pour qui “l’implication directe des Américains dans le conflit syrien en sera d’autant plus reculée”. Pour Fabrice Balanche en revanche, cela pourrait éventuellement limiter l’aide, mais pas la stopper nette.

Le cas israélien

A la question des armes chimiques s’ajoute celle de la montée des tensions sur le terrain, après des raids israéliens vendredi et dimanche contre des positions militaires, près de Damas. Plusieurs tirs venus du territoire syrien ont depuis visé le plateau du Golan, dans la partie occupée depuis 1967 par Israël. Samedi, son allié américain avait jugé “justifié” que les Israéliens cherchent à “se protéger contre le transfert d’armes sophistiquées à des organisations terroristes comme le Hezbollah” libanais.

“Israël n’implique pas trop les Américains tant que la survie de l’Etat hébreux n’est pas menacée. Au contraire, les Etats-Unis peuvent le laisser agir de lui-même”, explique Vincent Desportes. En précisant ne pas avoir été au courant des attaques israéliennes, Washington a tout de même cherché “à se démarquer de ces actions”, relève François Heisbourg. Pour le spécialiste, “il y a une forme d’embarras que je ne pense pas véritable. Dans le fond, les Américains doivent être ravis que les Israéliens se débarrassent de missiles en quantité industrielle”. Quant au risque d’une extension du conflit au niveau régional, il le juge “possible” mais pas imminent. Déjà acculé, le régime syrien peut difficilement se permettre une escalade.

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