Obama's Nobel

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Le Nobel du president

(Québec) En acceptant le prix Nobel de la paix, en 2009, Barack Obama affirmait que «les nations qui adhèrent aux règles internationales n’en sont que plus fortes, alors que celles qui les ignorent sont affaiblies, isolées».

L’année suivante, près de 1200 personnes étaient tuées au Pakistan, au Yémen et en Somalie par des drones américains, sans aucune forme de procès. C’est 25 fois plus que le nombre de personnes exécutées la même année à travers tous les États-Unis.

C’est ça que le comité du Nobel avait en tête lorsqu’il a décerné son prix? Un système de justice où tous les droits sont d’un seul côté, où des fonctionnaires peuvent condamner à mort, d’un simple clic, sans rendre de comptes?

Dans son discours, Barack Obama avait évoqué la Convention de Genève. «Même lorsqu’on affronte un ennemi sauvage qui ne respecte aucune règle, je crois que les États-Unis doivent demeurer un porte-étendard de la conduite en temps de guerre. […] Nous honorons ces idéaux en les appliquant non pas quand c’est facile, mais quand c’est difficile…»

C’est lui qui a fixé les principes sur lesquels on doit maintenant le juger. La fermeture promise de Guantanamo est restée lettre morte. M. Obama est passé à autre chose et son pays s’en fout.

Même s’il a mis un terme à certains des excès commis sur l’île cubaine, il reste encore 166 détenus, dont plus de la moitié ont le feu vert depuis des années pour quitter le camp, sans que ça fasse de différence. Quant au reste, aucune accusation n’a encore été portée contre la plupart d’entre eux. Guantanamo n’existe que par et pour le bon plaisir des États-Unis. Un trou noir légal et juridique où les deux tiers des prisonniers sont désormais en grève de la faim; où plusieurs sont gavés de force.

Shaker Aamer est l’un de ceux qui devraient être libres aujourd’hui. Il a été battu, torturé depuis 11 ans, sans que des accusations ne soient jamais portées contre lui. Il a livré un témoignage poignant de son désespoir dans une lettre que vient de publier un journal britannique. Il cite un passage de 1984, le roman de George Orwell qu’il a lu et relu en captivité : “Le pouvoir est une fin en soi, ce n’est pas un moyen. […] Le but de la persécution, c’est la persécution. Le but de la torture, c’est la torture. Le but du pouvoir, c’est le pouvoir.»

La prison anéantit la personne en faisant disparaître toute possibilité de décision, écrit-il. Refuser de rentrer quand on lui en donnait l’ordre, c’était une forme de décision. «Ils envoyaient les gardes pour me battre. C’était douloureux, mais j’avais montré que je n’étais pas leur esclave.» Maintenant, dit-il «on m’a tout enlevé, sauf la vie. C’est la seule décision qui me reste: vivre ou mourir».

Les États-Unis se sont donné le pouvoir de tuer n’importe où, et celui de torturer. Pendant les trois premières années de l’administration Obama, les frappes de drones ont tué entre 300 et 500 civils, dont 60 enfants, a démontré le Bureau of Investigative Journalism. Certaines attaques ont ciblé des funérailles de personnalités tuées par une frappe précédente. Une tactique aussi inhumaine que celle employée à Boston par les frères Tsarnaev.

Guantanamo n’est qu’une parodie de justice. Avec les frappes de drones, la justice disparaît totalement de l’équation.

Un certain nombre d’ex-détenus de Guantanamo auraient renoué, à divers niveaux, avec des réseaux terroristes. Depuis la première élection d’Obama, la proportion est inférieure à 10 %. Est-ce une raison pour refuser la liberté à tous les autres?

Le danger ne vient pas de Guantanamo. Chaque nouvelle tuerie crée autant, sinon plus, d’ennemis qu’elle n’en fait disparaître. Ça doit grincer des dents, à Oslo.

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