“La reprise américaine n’est pas si solide que cela”
Pour l’économiste Christine Rifflart, spécialiste des Etats-Unis auprès de l’OFCE, le marché du travail américain fait peser un lourd risque sur la poursuite de la reprise économique. L’excellente santé du marché immobilier pourrait toutefois stimuler la consommation des ménages.
Croissance en hausse, baisse des déficits publics, baisse du chômage… Pour beaucoup, la reprise économique est là aux Etats-Unis, qu’en pensez-vous?
Il y a effectivement de bons indicateurs qui apparaissent sur le front conjoncturel. Le marché immobilier a bien redémarré. Les mises en chantier sont reparties à la hausse. C’est une bonne nouvelle pour les ménages qui souffraient d’un effet d’enrichissement négatif en raison notamment de la baisse des prix immobiliers. Cette amélioration va assainir leur situation financière et faciliter leur comportement de consommation. Sur le plan budgétaire, il est également vrai que le gouvernement fédéral américain est parvenu à réduire son déficit. Les très bons chiffres du premier trimestre pourraient toutefois ne pas se reproduire à terme. Par ailleurs, les bons chiffres divulgués sont meilleurs que prévus parce que le CBO (le bureau du budget du Congrès, ndlr) a sous-estimé ses hypothèses de recettes fiscales. Il avait également ainsi mal anticipé les dividendes exceptionnels de Freddie Mac et Fannie Mae qui auront apporté 95 milliards de dollars à l’Etat fédéral qui les avait nationalisés en 2008. Ces éléments ont permis d’atténuer la pression au Congrès américain sur le débat sur le plafonnement de la dette, mais cela ne l’a en rien résolu. Mais la publication de bons indicateurs est réelle. D’ailleurs, la Réserve Fédérale envisage de lever le pied sur le rythme des rachats de titres. Mais, pour le moment, elle n’a pas changé de cap, ce qui démontre que cette reprise n’est pas aussi solide que cela.
Qu’est ce qui coince d’après vous?
Le marché du travail reste le point noir de l’économie américaine. Certes, le taux de chômage a baissé de 2,5 points depuis son point haut en octobre 2009. Mais cette baisse est en partie due à la baisse de la population active. Le taux d’emploi n’a pas bougé depuis le début de la reprise, et il est toujours en baisse de 5 points par rapport à 2008. La croissance du PIB n’est pas assez forte pour créer des emplois. Elle est d’ailleurs en-dessous de son potentiel de production et devrait plutôt croître de 3 à 4% par an pour revenir vers son équilibre. C’est un vrai problème pour la consommation des ménages. Au premier trimestre, la hausse de 0,8% de la consommation avait coûté 2 points au taux d’épargne de ces ménages qui était déjà extrêmement bas. Avec un taux qui se situe désormais autour de 2,3%, autant dire que les ménages ne bénéficieront pas de cette soupape dans les prochains mois pour continuer à consommer, et le marché du travail ne devrait pas prendre le relais.
En attendant les marchés financiers sont au plus haut… Quelle sera l’attitude de la Réserve Fédérale d’après vous?
On sent bien que la Fed est gênée pour sortir de sa politique monétaire accommodante. Mais son bilan ne peut pas grossir indéfiniment. Elle prépare les esprits par un travail d’information en espérant que les investisseurs vont anticiper et progressivement intégrer la fin de la politique monétaire accommodante. Mais elle attend également des signaux en provenance du marché du travail et du marché du crédit qui reste atone.
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