Le ministre de la justice, Eric Holder, dans le collimateur des médias américains
Washington, correspondante. Le ministre américain de la justice, Eric Holder, croyait apaiser les journalistes. Il faisait erreur. En refusant de leur ouvrir les portes d’une réunion avec les patrons de presse sur l’affaire des fuites dans les médias, l’attorney general n’a fait qu’aggraver son cas. Loin de réduire les craintes, l’initiative a relancé les critiques sur le culte du secret qui sévit dans l’administration Obama.
Conformément à une demande du président américain, ” troublé “, a-t-il dit, par une série de révélations sur la manière dont son ministère de la justice poursuit les journalistes ayant publié des informations confidentielles, Eric Holder a entrepris de consulter les organes de presse. Il doit faire un rapport avant le 12 juillet sur une refonte des mécanismes autorisant la poursuite des journalistes.
Jeudi 30 et vendredi 31 mai, l’attorney general a invité les dirigeants des rédactions à venir discuter avec lui au ministère de la justice. Mais il a mis des conditions : que la rencontre soit “off the record”. Les journaux ne pourraient donc ni en faire état ni citer directement ses propos. Une telle mesure a entraîné des appels à rébellion contre le “off” et le ministre. Le National Journal a fait la liste des “sept raisons pour lesquelles les médias ne devraient pas garder les secrets d’Eric Holder”. Elle a été retweetée avec avidité.
“CES TORQUEMADA QUI RÊVENT DE RÉDUIRE LA PRESSE AU SILENCE”
Certains organes de presse (AP, CNN, CBS, NBC, Fox news) ont refusé de participer et proposé d’envoyer leurs avocats si le ministre voulait discuter de procédure. “Si le gouvernement veut justifier ses poursuites contre les journalistes, il devrait le faire en public”, a estimé James Asher, du groupe McClatchy. Le New York Times, dont deux scoops ont entraîné une enquête en vertu de la loi sur l’espionnage de 1917, a également décliné. “Notre bureau à Washington enquête sur la manière dont le ministère a procédé dans les enquêtes sur les fuites, a expliqué Jill Abramson, directrice du quotidien. Il ne serait pas convenable de participer à une rencontre “off the record” avec le ministre de la justice. “
Le Washington Post a fait le choix inverse, comme Politico, le New Yorker et le Wall Street Journal. “Les journalistes participent fréquemment à des séances “off the record” qu’ils le veuillent ou non et ils continuent à rapporter les événements “, a justifié Martin Baron, le directeur exécutif du quotidien de Washington. Les journalistes en ont été réduits, pour couvrir la réunion, à interroger leurs chefs. Finalement, le ” off ” a été allégé, le ministère autorisant la presse à ” décrire en termes généraux comment la réunion s’était déroulée”.
Selon ces descriptions, Eric Holder a manifesté “un certain remords” pour l’agressivité des poursuites mais il n’a pas annoncé de changement précis. Ses conseillers – sous couvert d’anonymat – ont assuré qu’il n’était pas “de ces Torquemada qui rêvent de réduire la presse au silence”.
LE PREMIER NOIR À GRAVIR AUSSI HAUT LES ÉCHELONS
Le spectacle de la presse de gauche critiquant l’Attorney General de Barack Obama a, quoi qu’il en soit, été suivi avec jubilation par les républicains qui ont Eric Holder dans le collimateur depuis son arrivée au ministère.
Ancien juge, ami personnel de M. Obama, Eric Holder, 62 ans, a été le premier Noir à gravir aussi haut les échelons : procureur du district de Columbia, ministre-adjoint de la justice, puis ministre en 2009. Né à New York de parents originaires de la Barbade, il a été sélectionné à l’école primaire pour participer à un programme pour les enfants plus doués que la moyenne. Il a fait une partie de sa carrière au ministère, un endroit au confluent de la loi, de la politique et des enquêtes sensibles, ce qui lui a valu d’être mêlé à nombre de controverses. Sous Bill Clinton, c’est lui qui a autorisé à la dernière minute la grâce du fugitif Mark Rich, un financier de la campagne du président démocrate.
M. OBAMA A RÉPÉTÉ AVOIR TOUTE CONFIANCE DANS SON MINISTRE
Pendant le premier mandat de Barack Obama, les républicains l’ont poursuivi sans relâche pour l’affaire dite “Fast and furious”. Il s’agissait d’une opération montée en 2009 par le bureau des alcools, du tabac, des armes à feu et des explosifs pour remonter la filière des narcotrafiquants mexicains. Les agents ont laissé partir plus de 2 000 armes à feu au Mexique. Ils n’avaient pas prévu qu’ils en perdraient rapidement la trace. L’affaire a éclaté lorsqu’un policier américain a été tué avec une de ces armes.
Cette fois, comme dans les controverses précédentes, Barack Obama a répété qu’il avait toute confiance dans son ministre, qui est joueur de basket et diplômé de Columbia comme lui. Eric Holder a de toute façon fait savoir qu’il partirait avant la fin du second mandat de Barack Obama. L’attorney general est ” le bouclier humain ” du président, a persiflé le libertarien Nick Gillespie.
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