Obama Should Respond to Europe's Malaise

<--

Obama doit répondre au malaise de l’Europe

Après les révélations sur l’ampleur des écoutes et de l’espionnage des données sur la Toile, l’Europe se découvre dangereusement exposée aux « grandes oreilles » américaines. Ce n’est pas la première fois.

Les révélations du Washington Post et du Guardian sur le programme Prism ne pouvaient pas tomber à plus mauvais moment pour l’image des États-Unis et la défense de leurs intérêts en Europe: le fait que la NSA peut espionner le moindre battement de clavier d’ordinateur vient ajouter au malaise de tous ceux qui – en France notamment – soupçonnent l’Amérique de vouloir en découdre avec le Vieux Continent sur le terrain culturel, à la faveur d’un prochain accord de libre-échange.

Le raccourci est loin d’être acrobatique: il a guidé la main de Viviane Reding, commissaire européen à la Justice et aux Droits fondamentaux dans la lettre comminatoire qu’elle vient d’adresser à son collègue américain, l’attorney general Eric Holder. Prism vise-t-il d’abord les Américains, ou surtout les citoyens étrangers? Quelle est l’ampleur du filet? Quels sont les critères de capture? demande la commissaire en réclamant des réponses à la fois rapides et concrètes. Avant d’ajouter, souverainement: «Le respect des droits fondamentaux constitue le fondement des relations entre l’UE et les États-Unis (…) et c’est au Parlement européen qu’il reviendra probablement d’évaluer la relation transatlantique, à la lumière de vos réponses.» Sans doute seront-elles passionnantes…

Que les moteurs de recherche, les serveurs et les messageries de Microsoft, Google, Yahoo!, Facebook, YouTube, Skype, AOL et Apple aient pu être connectés aux programmes d’écoute et d’espionnage de la NSA n’aura sans doute surpris que les internautes les plus naïfs. Ce n’est pas non plus la première fois que l’Europe se découvre dangereusement exposée aux «grandes oreilles» américaines. L’accélération de la technologie rend simplement la présence de ce big brother chaque jour plus envahissante. Quant à la pêche, elle est d’autant plus facile que les serveurs des géants américains de l’industrie on-line se trouvent pour la plupart… aux États-Unis. Comme d’ailleurs la puissance d’analyse.

Dès les années 1990, l’Europe et son Parlement s’étaient alarmés de l’existence d’Echelon, un réseau d’écoutes électroniques planétaire. Il permettait (déjà) à la NSA et aux «services» d’autres pays anglophones d’intercepter des appels téléphoniques, des télécopies ainsi que les premiers e-mails. L’affaire avait fait grand bruit dans l’Hexagone. Jusqu’à ce que la France reconnaisse, un peu gênée, qu’elle bénéficiait aussi des renseignements collectés par Echelon.

Cette ambiguïté n’a pas cessé, entre l’indignation du public européen et l’intérêt bien compris de ceux qui veillent dans l’ombre, entre autres contre le terrorisme. Depuis 2010 et contre le souhait initial des eurodéputés, le Trésor américain peut accéder aux informations bancaires des ressortissants de l’UE, via la base de données Swift, installée à Bruxelles. En 2012, l’UE a finalement approuvé le transfert aux autorités américaines des données dites «PNR *» sur les passagers des vols transatlantiques.

Comble de l’ironie, le Parlement européen a refusé cette année la création d’un fichier PNR propre à l’Europe, parce que jugé trop intrusif. Pour finir, le Financial Times vient de révéler que l’Administration Obama a obtenu l’an dernier de l’UE qu’elle soustraie discrètement de sa législation protégeant les données personnelles une disposition technique qui aurait (peut-être) limité les écoutes américaines sur les Européens…

(*) Passenger Name Record

About this publication