Les choses sont dites. La Maison Blanche a pour la première fois admis, jeudi 13 juin, que des armes chimiques contenant du sarin avaient été employées en Syriepar le régime. Sur un sujet aussi majeur, ce n’est curieusement pas le président Obama lui-même qui a parlé, mais l’un de ses conseillers pour la sécurité nationale, Ben Rhodes. La parole du chef de l’Etat était pourtant engagée, lui qui avait déclaré en août 2012 que l’emploi d’armes chimiques reviendrait à franchirune “ligne rouge” et “changerait calcul”. Aujourd’hui, “c’est le cas”, a assuré M. Rhodes. Cette annonce constitue un virage, mais est-il de nature à modifier la donne de manière décisive, sur cette tragédie syrienne qui n’a que trop duré et atteint les 100 000 morts ?
Pendant des semaines, si ce n’est des mois, l’administration Obama a été dans l’atermoiement. Voici qu’elle reprend des constatations déjà faites par la France et le Royaume-Uni. Il n’aura échappé à personne que ce tournant dans la rhétorique se produit au moment où les rebelles syriens viennent d’essuyer une défaite majeure à Qoussair, sous le coup de boutoir des aides apportées à l’armée de Bachar Al-Assad par l’Iran et le Hezbollah libanais.
M. Obama ambitionne d’organiser une conférence internationale, coparrainée avec la Russie, pour orchestrer une transition politique à Damas. Il sait que pareil scénario n’aura bientôt plus aucun sens si les opposants syriens armés sont complètement écrasés, en particulier à Alep, ville désormais ciblée par les troupes gouvernementales. Le président américain s’apprête à rencontrer, lors d’un G8, son homologue russe, Vladimir Poutine, qui se sent le vent en poupe au Moyen-Orient. L’Américain aimerait manifestement avoir quelque atout en main à l’orée de cette discussion avec le Russe.
La donne va-t-elle vraiment changer ? Les Etats-Unis s’emparent du thème des armes chimiques pour justifier un accroissement de leur “assistance” à la rébellion. Mais le flou règne quant aux moyens qui seront engagés. Les opposants armés réclament depuis des mois des armements antitanks, antiaviation et une zone d’interdiction aérienne.
On connaît la réticence extrême de M.Obama à engager son pays dans une nouvelle action militaire, a fortiori dans un Moyen-Orient aux données explosives. Mais la procrastination de Washington face à la stratégie russo-iranienne en Syrie a contribué à faire pourrir ce dossier, au prix de souffrances inouïes chez les civils, et d’un risque de déstabilisation de toute la région. 150 morts provoquées par l’arme chimique ne sont pas plus scandaleuses que 100 000 morts provoquées par des armes conventionnelles. Mais un seuil a été franchi, et Washington, enfin, le reconnaît.
Le commentaire le plus saillant est venu de l’ancien président Bill Clinton, mentionné par le site Politico : “Parfois, il vaut mieux au moins tenter quelque chose.” Et d’ajouter : “Nous ne devrions pas surévaluer les leçons du passé. La Syrie n’est pas nécessairement l’Irak ou l’Afghanistan. Personne ne nous a demandé d’y envoyer des soldats américains. Alors que les Russes, les Iraniens et le Hezbollah sont très impliqués, nous devrions faire quelque chose pour rééquilibrer et donner à ces groupes rebelles une chance décente.” Entre posture verbale et efficacité réelle, la Maison Blanche devra choisir. Au risque d’en fairetrop peu, trop tard.
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