Choosing Between Security and Freedom: Obama's Straight and Narrow Path

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Choisir entre la sécurité et les libertés : la voie étroite d’Obama

L’affaire d’espionnage des données privées des internautes par l’Agence de sécurité américaine oppose ceux qui, au nom de la défense du pays, approuvent ces mesures et ceux qui doutent de leur réelle efficacité.

Les Français, écrit-on souvent, préféreraient l’égalité à la liberté. Les Américains, depuis le 11 Septembre, préféreraient-ils la sécurité à la liberté ? Depuis des années, le National Security Agency (NSA) « collecte » des informations auprès des compagnies américaines opérant sur Internet comme Google. Les citoyens américains – mais aussi ceux du monde entier – sont ainsi « espionnés » à leur insu depuis fort longtemps. L’affaire Prism, ou Edward J. Snowden, du nom de l’agent de sécurité américain, qui a révélé l’existence et le fonctionnement de tels programmes, domine les débats aux Etats-Unis depuis bientôt deux semaines.La dénonciation du complexe « cyberindustriel » a pris le relais de celle du complexe militaro-industriel et repose la question de l’équilibre entre liberté et sécurité.

Pour le camp des « partisans » du contrôle – dont la position est bien incarnée par l’éditorialiste du « New York Times » Thomas Friedman -, il n’existe pas de choix. L’existence de ces programmes d’écoutes est vitale, non seulement pour la sécurité des Etats-Unis, mais encore pour la survie de la démocratie américaine. « Imaginez, écrit Thomas Friedman, qu’un deuxième 11 Septembre se produise demain – et que l’Amérique n’ait pas fait tout ce qu’elle pouvait faire pour s’en prémunir -, la société basculerait dans le tout sécuritaire : ce serait la fin de notre société ouverte ! Enfreindre un peu de notre liberté aujourd’hui, c’est préserver notre démocratie demain ». Pour beaucoup d’Américains, il s’agit d’une simple question de bon sens. Ils dénoncent les « vierges effarouchées » de la liberté avant tout, quand ce n’est pas l’hypocrisie trop visible, de ceux qui – à Moscou en particulier (Pékin est demeuré volontairement silencieux) – voient dans la dénonciation du « Big Brother » américain un alibi commode pour faire oublier leurs propres violations des droits de l’homme. Quand ce n’est pas, comme dans certains pays de l’Union européenne, sinon à Bruxelles même, l’occasion d’exprimer des relents d’antiaméricanisme.

A l’inverse, semble-t-il, au fil des jours qui passent, un nombre toujours plus grand d’Américains expriment leur scepticisme à l’encontre de ces programmes. Ils le font moins au nom des grands principes que pour des raisons d’efficacité. Le général Alexander (le directeur du NSA) a beau affirmer qu’une bonne douzaine d’attentats terroristes ont pu être évités grâce au programme Prism, ces américains critiques n’en demeurent pas moins circonspects. De même que trop de lumière peut aveugler ceux qui sortent de la pénombre, trop d’informations peut confondre ceux qui les réunissent. Inondés de données, les services de renseignement des Etats-Unis vont-ils savoir reconnaître et sélectionner la bonne information, et surtout la communiquer en temps utile à toutes les agences concernées ? Autrement dit, le remède n’est-il pas pire que le mal ? Pour ces Américains sceptiques, ce n’est donc pas au niveau des grands principes, mais en fonction de leur efficacité qu’il convient de juger les programmes américains de contrôle. S’ils ne sont pas aussi efficaces que leurs auteurs le prétendent, alors les risques de dérives sécuritaires doivent être l’objet d’un véritable examen critique.

Le rôle de l’Etat est de protéger la vie de ses citoyens. Mais tous les moyens ne sont pas bons. Il est si facile de devenir victime d’une technologie évolutive qui atteint des niveaux de sophistication toujours plus grands. Entre la technologie qui libère de plus en plus les citoyens du contrôle d’un Etat autoritaire et celle qui, au service de l’Etat, risque de les asservir en mettant fin à tout domaine privé, une course est lancée. Et il est trop tôt pour dire qui l’emportera.

Dans ce contexte il faut se garder tout à la fois d’un excès de naïveté comme d’un excès de cynisme. On ne saurait donner des réponses simples, sinon simplistes, à des questions que l’on ne maîtrise pas, mais qui n’en sont pas moins fondamentales.

Au lendemain de l’élimination de Ben Laden, le président Obama pouvait célébrer la double victoire des Etats-Unis. Son principal ennemi était mort et l’Amérique était restée elle-même. Le camp de la liberté et de la vie l’avait emporté sur celui de l’oppression fondamentaliste et de la mort.

La réalité – on s’en doutait un peu déjà alors – était plus complexe. Benjamin Franklin écrivait déjà au XVIII e siècle que celui qui acceptait de sacrifier une part de sa liberté pour un peu plus de sécurité perdait sur les deux tableaux.

Sur ce plan, l’affaire Prism est une simple actualisation du dilemme éternel entre sécurité et liberté. A l’heure d’Internet et de la double révolution de la communication et de l’information, la guerre n’a-t-elle pas changé de nature ? La menace du chaos par la pénétration de nos systèmes de contrôle ne s’est-elle pas substituée au risque de l’invasion de territoires par des chars ? Dans ce contexte, ralentir le programme nucléaire iranien ou prévenir des actes terroristes peuvent justifier quelques violations de la vie privée. Face à la menace de « loups solitaires » il faut à nos sociétés de très grandes oreilles, même s’il convient aussi de pouvoir contrôler les contrôleurs, pour la survie de nos systèmes démocratiques.

Une chose est certaine : ce ne sont pas les pressions européennes qui modifieront les modes d’action américains. Seule l’Amérique en est capable… et encore. Le contrôle des armes n’est-il pas pour la sécurité des Américains au moins aussi important que celui des hommes ?

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