Snowden: Destined for Hollywood without an Epilogue

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L’épilogue de l’affaire Snowden n’est pas encore écrit mais l’essentiel est ailleurs: pour les scénaristes qui seront chargés de l’écrire, le script devra rendre l’ambiguïté de l’homme promis aux gémonies par son pays, au risque de produire une figure binaire, entre ombre et lumière, comme la littérature et le cinéma d’espionnage savent si bien le faire.

“L’histoire a un énorme potentiel pour une adaptation à l’écran, peut-être parce que la frontière entre le +bien+ et le +mal+, chez le protagoniste, est très floue”, estime Robert Thompson, professeur de culture populaire à la Syracuse University de New York.

“J’imagine qu’une adaptation utilisera cette ambiguïté en peignant Snowden ni en héros, ni en félon. C’est une histoire américaine très moderne”.

Pour ses thuriféraires, le jeune ex-consultant en informatique qui travaillait pour un sous-traitant de l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine est un paladin des temps modernes, samaritain à lunettes prêt à se sacrifier pour sauver la planète. San-Antonio aurait peut-être écrit: “Haro des Cerbères sur le cyber-héros”.

Pour ses contempteurs en revanche, Snowden est un renégat de la pire espèce dont les crimes serviront aux ennemis de l’Amérique pour la mettre à feu et à sang.

On dit tout et son contraire à son sujet. Qu’il agit seul ou pour le compte d’intérêts étrangers, que c’est un génie et un visionnaire ou un technicien sans envergure, immature et inconscient qui prend des bâtons de dynamite pour des allumettes.

On ne le connaît pas, en somme, mais il fascine.

“Tous les auteurs de romans d’espionnage ont arrêté d’écrire pour suivre cette histoire qui les passionne. C’est la plus grosse affaire d’espionnage depuis des décennies”, affirme Jeremy Duns, qui a signé trois romans mettant en scène un agent britannique retourné pendant la Guerre froide.

Comme de nombreux autres, l’écrivain s’attend à ce qu’un livre ou un film fasse, plus tôt que tard, la lumière sur l’affaire Snowden que l’on croirait droit sortie d’un opus de John le Carré avec ses nombreuses zones d’ombre et ses conflits moraux autour des questions de loyauté et de trahison.

Snowden partagera immanquablement l’affiche avec la NSA, cette agence ultra-secrète arrachée des limbes en 1998 avec le film “Ennemi de l’Etat” et le duo Will Smith-Gene Hackman.

Bien avant les attentats du 11-Septembre, le film prétendait dévoiler l’étendue de la surveillance et des pouvoirs d’une administration ne reculant devant rien – pas même le meurtre – pour remplir sa mission.

Dans ce que ses détracteurs ont qualifié de délire paranoïaque, Edward Snowden a évoqué la menace du gouvernement américain de l’assassiner.

Mais “la vérité éclate, rien ne peut l’arrêter”, a-t-il déclaré au quotidien The Guardian dans une formule qui ferait un sous-titre honorable sur une affiche de film.

Un espion ordinaire, Edward Snowden? Pas tout à fait, et c’est ce qui le rend d’autant plus intéressant.

L’homme fluet au visage pâle piqué de grains de beauté sous un duvet clairsemé, qui a jeté un froid dans les relations de Washington avec Pékin et Moscou, a plutôt des airs d’étudiant en informatique à l’étroit dans ses mocassins.

Si James Bond séduit les amazones alanguies au bord de la piscine autour d’un verre de scotch ou de Martini, Snowden, lui, dîne d’une pizza-Pepsi sans quitter ses écrans des yeux.

“Le geek (fou d’informatique) est devenu le Bourne”, s’amuse Duns en référence à la série des “Jason Bourne” écrite par Robert Ludlum et incarnée à l’écran par un Matt Damon autrement plus charismatique.

Pas plus que d’épilogue l’affaire Snowden n’a de nom pour le cinéma (“Snowden Confidential”? “L’homme qui en savait vraiment trop?” “L’espion qui venait du chaud”? “Edward aux mains d’agent?”).

“Le terminal” est déjà pris. Steven Spielberg a donné la version la plus connue de l’histoire vraie d’un homme errant des années dans un aéroport. Comme Tom Hanks, Edward Snowden se trouve immobilisé à Moscou, au pied des avions, en attendant une destination sûre, peut-être La Havane, Caracas ou Quito…

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