US Trapped by Morsi's Blank Check

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Les militaires égyptiens espéraient une forme de bénédiction publique de Barack Obama avant de déposer le président Morsi, comme cela avait été le cas au moment du départ deHosni Moubarak. Mais cette fois, ils n’ont pas eu ce feu vert. «Nous ne prenons pas parti dans cette affaire», a dit sobrement la porte-parole du département d’État Jen Psaki mercredi soir, au moment où le pouvoir s’apprêtait à basculer du côté de l’armée.

Pour l’Administration américaine, clairement en retard sur les événements d’Égypte, il n’était pas question de donner son aval au renversement d’un président élu démocratiquement un an plus tôt. Un précédent trop dangereux pour la suite, expliquent les experts. «C’était différent du cas Moubarak, l’élection de Morsi avait été reconnue par la communauté internationale», commentait jeudi Brian Katulis, expert de la politique étrangère américaine au Center for American Progress.

Mais à l’issue du coup de force des militaires, mercredi soir, le communiqué de Barack Obama, un texte très soigneusement rédigé, s’est bien gardé d’utiliser l’expression de «coup d’État». Si le président américain a exprimé sa «profonde préoccupation», il a aussi noté que «seul le peuple» pouvait «déterminer le futur du pays». Une manière de tendre la main aux manifestants de Tahrir, même si nombre d’entre eux portaient des pancartes dénonçant l’Amérique et son ambassadeur Ann Patterson, comme des «suppôts» de Morsi. Autre détail important de la déclaration d’Obama, celle-ci appelait les militaires «à agir rapidement (…) pour rendre tout le pouvoir à un gouvernement démocratiquement élu». Le «un» est capital, dit Brian Katulis, «car il indique que l’Amérique ne veut pas du retour au pouvoir de Morsi».

Occupé ailleurs malgré l’enjeu que représente l’avenir de l’Égypte, Washington est loin d’avoir été une force modératrice des appétits de pouvoir du président Morsi. Persuadés d’avoir affaire à un «islamiste raisonnable», les diplomates américains, l’ambassadeur Ann Patterson en tête, ont tenté de convaincre les Frères musulmans de se concentrer sur les réformes économiques nécessaires à la stabilisation de l’Égypte. Encouragés par le désir affiché de Morsi de préserver l’accord de paix avec Israël, ils sont restés dans un silence assourdissant quand ce dernier a orchestré son coup d’État constitutionnel en novembre 2012. Ils ne sont pas non plus montés au créneau quand opposants et journalistes ont été emprisonnés en masse. «Ce fut une grave erreur, qui a contribué à affaiblir le camp des démocrates en donnant à Morsi le sentiment d’avoir un blanc-seing», dit Katulis.

Le renversement de Morsi offre-t-il une seconde chance à l’Amérique en Égypte, comme l’affirmait jeudi l’expert Robert Satloff dans le Washington Post? Les États-Unis doivent rejeter «le faux choix» entre stabilité et démocratie et s’engager au côté de la société civile, qui aspire à de vraies réformes politiques, écrit cet expert.

Les événements montrent que la capacité d’action de Washington est limitée. Mais l’Administration détient toujours un précieux levier, à travers l’aide annuelle de 1,3 milliard de dollars qu’elle fournit à l’armée égyptienne. En principe, cette aide doit être automatiquement gelée en cas de coup d’État, ce qui expliquerait pourquoi Obama s’est gardé d’employer le mot mercredi soir. S’il a demandé à ses juristes de se pencher sur un éventuel gel de l’aide, évoqué par le Congrès, les experts estiment qu’il fera tout pour l’éviter. «Cette aide ne nous garantit pas que les militaires nous écoutent, mais elle nous donne un canal important pour converser», explique Brian Katulis. Le chef de l’état-major des armées Martin Dempsey a d’ailleurs discuté plusieurs fois avec son homologue égyptien cette semaine.

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