When Obama Became a Black President

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Depuis le 19 juillet, le président élu et réélu sur le thème de la réconciliation entre les communautés américaines est redevenu un Afro-Américain.

“Il y a 35 ans, j’aurais pu être Trayvon Martin.” En lançant cette phrase lors d’une intervention imprévue, dans la salle de presse de la Maison-Blanche où les journalistes attendaient le briefing quotidien du porte-parole de la présidence, Barack Obama a sciemment lancé une petite bombe. Certes, au moment de la mort, le 26 février 2012, à Sanford en Floride, de l’adolescent noir tué par un vigile, le président avait déjà déclaré que ce garçon aurait pu être son fils. Mais depuis, l’affaire a été jugée, et le meurtrier, George Zimmerman, acquitté. Obama – et cela d’autant plus qu’il est le président – n’avait donc nul besoin de revenir sur la chose jugée. Même si celle-ci peut être considérée comme contestable et a provoqué des manifestations de protestation un peu partout aux États-Unis. Pourtant, Obama a fait délibérément cette déclaration, improvisant d’un bout à l’autre, sans avoir recours comme habituellement à un téléprompteur. Le premier président noir des États-Unis a, pour la première fois de sa présidence, parlé comme un Noir américain.

D’autant que, lorsqu’on lit la totalité de son intervention, il est allé très loin dans l’appropriation personnelle de l’affaire. Par exemple en racontant que lorsqu’il était jeune, et parce qu’il était noir, il se souvenait qu’il était souvent suivi avec méfiance quand il entrait dans un supermarché, ou qu’il voyait des conducteurs actionner la fermeture de sécurité de leur voiture quand il traversait la rue et des femmes prendre leur sac à main contre elles quand il montait dans un ascenseur. “Certes, a-t-il ajouté, il n’y a pas lieu de revenir sur le jugement prononcé en Floride, mais la communauté afro-américaine sait qu’il existe une histoire de disparités raciales dans l’application de nos lois pénales.”

Une prise de position incongrue

En toute connaissance de cause, le président des États-Unis a donc accentué le caractère racial du drame de Sanford et de la décision prise par le jury de Floride six jours auparavant dans l’affaire Zimmerman, alors que le jugement avait précisément exonéré le geste du vigile de tout aspect racial : trente témoins interrogés par le FBI sur le comportement habituel à l’égard des Noirs de Zimmerman, lui-même métis – un de ses parents est péruvien -, avaient confirmé que ce n’était en aucun cas une de ses préoccupations. Et le dispatcher de la police qui avait pris son appel le soir du drame pour signaler un individu suspect avait déclaré qu’à aucun moment il n’avait parlé d’un Noir. Il avait même fallu que l’opérateur lui pose la question pour qu’il finisse par le préciser.

La prise de position délibérée du président est d’autant plus incongrue qu’elle tranche totalement avec ce qu’a été la ligne idéologique de la carrière politique d’Obama depuis qu’il est devenu sénateur du Michigan. Impression accentuée par la campagne pour sa première élection à la Maison-Blanche, en 2008, où il a voulu s’affirmer comme le premier président capable de surpasser la barrière raciale. Et cela, précisément parce qu’il était le premier président noir des États-Unis. Il vient le temps d’un briefing de remettre en cause cette ligne politique, qui lui a permis jusqu’ici de gouverner sans que la couleur de sa peau soit réellement invoquée. Quoi que l’on puisse penser de l’acquittement contestable de George Zimmerman, le changement d’attitude d’Obama est sans doute une erreur. Ou le calcul d’un homme qui n’a plus rien à perdre puisqu’il ne peut être réélu.

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