Manning and Snowden: Two Questions on Whistle-Blowers

Published in Le Huffington Post
(France) on 1 August 2013
by Pascal Mbongo (link to originallink to original)
Translated from by Michelle Boone. Edited by Keith Armstrong.
Bradley Manning, the “naïve and well-intentioned” young man (in the words of his lawyer) who gave top secret, classified U.S. Army documents to WikiLeaks has been found guilty of violating U.S. federal law []. He has not benefitted from the justifications or immunities under the same federal law for whistle-blowers. Keeping our distance from the demands of certain media to regard WikiLeaks, Manning or Snowden as heralds of democratic liberty, we prefer to maintain a certain intellectual reserve. It’s time to seriously consider two questions.

The first question is what a whistle-blower is or must be.

The first concept of a whistle-blower is an employee or public official who reveals information which he reasonably believes to be proof of illegal activity, waste, fraud, dysfunctional governance, abuse of power or a concrete and substantial public safety or public health risk. This definition is attributed to The [Government] Accountability Project (a demo-liberal institution), which infers that, in its point of view, neither Manning nor Snowden are whistle-blowers. This concept of a whistle-blower has a double characteristic: On one hand, it is characterized by its goal and its result — by obtaining an effective correction of things. On the other hand, a whistle-blower is not intrinsically directed toward the media, but rather toward those who hold social power (leaders of the structure concerned, elected officials and, of course, the media).

The American federal law protecting whistle-blowers is part of this intellectual economy, where, for example, it defines specific protocols especially for those federal officials and holders of classified information that may constitute evidence of illegality, waste, fraud, dysfunctional governance, abuse of power, a concrete and substantial public safety or public health risk.

Two Concepts

The second concept of a whistle-blower is an employee or public official who releases information hypothetically evidencing a policy (public or private) or acts with which he does not agree philosophically, even if these policies and acts are legal.

We see the depth of political philosophy that separates these two ways of whistle-blowers’ thinking. It is, in the background, the debate about obedience to the law versus disobedience of an unjust law. And at least since the death of Socrates to the civil disobedience of Henry D. Thoreau, passing Antigone of Sophocles or the debate on the Revolution between supporters and opponents of consecrating a right to resist oppression through the declaration of human rights, the question is difficult and delicate.

Yet, in the United States, the definition of a whistle-blower has always divided and continues to divide journalists and organizations defending rights and freedoms. Not quite enough attention has been paid to a Washington Post article in which Floyd Abrams, a lawyer for The New York Times in the Pentagon Papers case, denies any comparison to WikiLeaks. As for this side of the Atlantic, the meaning given to this expression is never clarified by how it is used. In fact, some of the most “serious” U.S. media outlets are forbidden from calling Edward Snowden a whistle-blower. They prefer to use the term “leaker” as it has not been proven that the NSA program that he revealed is contrary to the Fourth Amendment, as many Snowden supporters believe.

Second question (whatever the definition): If whistle-blowers benefit from administrative, penal and civil immunity, what does this mean for the confidentiality of journalists’ sources?

Indeed, the justification for this secrecy is to protect whistle-blowers against prosecution or sanctions of any kind. On the other hand, the confidentiality of journalists’ sources is, in a manner of speaking, a principle by default. Ideally, in a democratic society, any challenge to the legal and moral responsibility of those who hold power in society must be revealed, if only to allow everyone to judge the credibility and the purity of the intentions of the whistle-blower. It is because this demand may have a chilling effect on the reporting of violations of the law or other malfunctions that the idea of confidentiality of journalistic sources has flourished. But if the law itself guarantees immunity to whistle-blowers (obviously, this law is far from existing perfectly in democratic countries), it is not clear what interest they may still have in demanding anonymity of the journalist to whom they deliver classified information. Consequently, the question is which is better: a law that strictly protects the confidentiality of journalists' sources or legislation that fully protects whistle-blowers?


Manning, Snowden... Deux questions sur les "lanceurs d'alerte"

Bradley Manning - le jeune homme "naïf et bien intentionné", selon les mots de son avocat, qui a livré à Wikileaks des documents classés secret défense de l'armée américaine - est donc reconnu coupable de violations du droit criminel fédéral des États-Unis, sans pouvoir bénéficier des excuses ou des immunités prévues par ce même droit fédéral pour les "lanceurs d'alerte". À distance d'une injonction de certains médias à concevoir Wikileaks, Manning ou Snowden comme des hérauts de la liberté démocratique, l'on préfère garder une certaine réserve intellectuelle, le temps de prendre au sérieux deux questions.



Une première conception du lanceur d'alerte veut qu'il s'agisse d'un salarié ou d'un agent public, qui révèle des informations, dont il pense raisonnablement qu'elles sont la preuve d'une illégalité, d'un gaspillage majeur, d'une fraude, d'une gouvernance dysfonctionnelle, d'un abus de pouvoir, d'un risque concret et substantiel pour la sécurité publique ou la santé publique. Cette définition est celle revendiquée par une institution démolibérale (The Accountability Project), et qui en infère que, de son point de vue, ni Manning, ni Snowden ne sont des lanceurs d'alerte. Cette conception du lanceur d'alerte a une double caractéristique: d'une part elle conçoit le lancer d'alerte par son but et par son résultat, l'obtention d'une correction effective des choses, d'autre part, elle n'envisage pas le lancer d'alerte comme étant intrinsèquement tourné vers les médias, mais plutôt vers tous les détenteurs de pouvoirs sociaux (dirigeants de la structure concernée, élus, médias bien sûr).

Le droit fédéral américain protecteur des lanceurs d'alerte participe de cette économie intellectuelle, d'où par exemple les protocoles précis qu'il définit spécialement pour ceux des agents publics fédéraux détenteurs d'informations classifiées et susceptibles de constituer la preuve d'une illégalité, d'un gaspillage majeur, d'une fraude, d'une gouvernance dysfonctionnelle, d'un abus de pouvoir, d'un risque concret et substantiel pour la sécurité publique ou la santé publique.

Deux conceptions

Une deuxième conception du lanceur d'alerte veut qu'il s'agisse d'un salarié ou d'un agent public qui révèle des informations mettant hypothétiquement en évidence une politique (publique ou privée) ou des actes avec lesquels il n'est pas d'accord philosophiquement, quand bien même cette politique et ces actes seraient légaux.

On voit bien la profondeur de philosophie politique qui sépare ces deux manières de penser le lanceur d'alerte . On y a, en arrière-plan, le débat sur l'obéissance à la loi versus la désobéissance à la loi "injuste". Et depuis au moins la mort de Socrate, jusqu'à la désobéissance civile d'Henry D. Thoreau, en passant par l'Antigone de Sophocle ou le débat sous la Révolution entre partisans et adversaires d'une consécration d'un droit de résistance à l'oppression dans la déclaration des droits de l'homme, la question est difficile et délicate.

Or autant aux États-Unis la définition du lanceur d'alerte a toujours divisé et continue de diviser les journalistes et les organisations de défense des droits et des libertés - l'on n'a pas assez prêté attention ici à l'article du Washington Post dans lequel Floyd Abrams, l'avocat du New York Times dans l'affaire des Pentagon Papers réfutait toute comparaison avec Wikileaks - autant de ce côté-ci de l'Atlantique, la signification que l'on prête à cette expression n'est jamais explicitée dans les usages qui en sont faits. De fait, certains médias américains parmi les plus "sérieux" s'interdisent de qualifier Edward Snowden de lanceur d'alerte. Ils préfèrent utiliser l'expression leaker (fuiteur) tant que la démonstration n'est pas faite de ce que le programme de la NSA, dont il a révélé l'existence, pour avoir une base légale, est néanmoins contraire au IVe amendement de la Constitution comme le soutiennent les défenseurs d'Edward Snowden.

Deuxième question (quelle que soit la définition donnée): si cette qualité doit faire bénéficier à son titulaire une immunité administrative, pénale et civile, quel pourra bien être encore l'intérêt du secret des sources des journalistes?

En effet, la justification de ce secret est la protection de lanceurs d'alerte contre des poursuites ou des sanctions de quelque nature. D'autre part, et pour ainsi dire, le secret des sources des journalistes est un principe par défaut dans la mesure où, idéalement, dans une société démocratique, la mise en cause de la responsabilité légale ou morale de détenteurs de pouvoirs sociaux, doit se faire à découvert, ne serait-ce que pour permettre à chacun de juger de la crédibilité et de la pureté des intentions du lanceur d'alerte. C'est parce que cette exigence peut avoir un effet réfrigérant sur la dénonciation de violations de la loi ou d'autres dysfonctionnements que l'idée du secret des sources des journalistes a prospéré. Mais si la loi, elle-même, garantit l'immunité aux lanceurs d'alerte (évidemment, cette loi est loin d'exister parfaitement dans les pays démocratiques), on ne voit pas très bien l'intérêt qu'ils peuvent encore avoir à exiger du journaliste auquel ils se livrent ou livrent des informations classifiées l'anonymat garanti par le secret des sources. Par suite, la question est de savoir ce qui est préférable: une législation qui protège rigoureusement le secret des sources des journalistes ou une législation qui protège pleinement les lanceurs d'alerte?
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