La ville de Detroit demande à se mettre en faillite
La capitale de l’automobile est frappée par le déclin de son industrie traditionnelle, la mauvaise gestion de ses finances et un exode massif de population.
La ville de Detroit a officiellement demandé jeudi à se placer sous la protection du régime des faillites. Un tribunal fédéral va devoir décider d’ici trois mois si la plus grande ville du Michigan, écrasée par 18,5 milliards de dollars de dettes, y est éligible. Ce serait la faillite municipale la plus importante de l’histoire des États-Unis.
Kevyn Orr, l’administrateur d’urgence nommé par le gouverneur en mars dernier pour diriger la capitale américaine de l’automobile, disposerait grâce au chapitre 9 du code des faillites d’une grande marge pour forcer des réductions de prestations sociales des employés de la ville et effacer l’essentiel de ses dettes. «Il est clair que la situation financière d’urgence dans laquelle se trouve Detroit ne peut pas être résolue avec succès tant que cette demande de faillite n’aura pas été faite. C’est la seule alternative possible raisonnable» a déclaré le gouverneur républicain Rick Snyder, en autorisant Kevyn Orr à entamer la mise en faillite de la ville. Cet avocat afro-américain, spécialiste des faillites, demande depuis plus d’un mois aux syndicats des 30.000 employés et retraités de la ville ainsi qu’à ses autres créanciers de consentir d’importants sacrifices. Voilà des semaines qu’il proclame Detroit «insolvable».
Cette nouvelle étape dramatique dans le déclin d’une cité habitée par 1,8 million de personnes en 1950, mais qui ne compte plus que 700.000 résidents aujourd’hui, est le résultat du refus de ces créanciers de négocier avec Kevyn Orr. Les deux principaux d’entre eux se trouvent être les fonds de pensions d’employés municipaux. Ils vont tenter de bloquer le recours de Detroit au chapitre 9.
Minée par la corruption depuis des décennies, victime d’un exode massif du fait des fermetures d’usines dans sa région exploitées jadis par General Motors, Ford et Chrysler, Detroit est devenue une cité dysfonctionnelle. Elle se trouve dépourvue d’une assiette fiscale suffisante, écrasée par des promesses de prestations sociales faites alors que la prospérité semblait régner, incapable d’assurer les services publics municipaux basiques. Le seul service de sa dette représente déjà 42,5% de ses recettes. C’est une proportion considérable: aucune grande municipalité aux États-Unis ne paye plus de 20% de ses revenus pour couvrir ce type de dépenses.
La situation de Detroit aujourd’hui rappelle celle de New York en 1975. Après avoir suspendu certains paiements, la «Grosse pomme» avait cependant évité la faillite, pour mieux renégocier ses dettes et réduire ses coûts. La tactique de Kevyn Orr fait cependant trembler l’ensemble du marché des obligations municipales qui représente 3700 milliards de dollars de titres. L’administrateur exige en effet des sacrifices de tous les détenteurs d’obligations de la ville, y compris de ceux qui détiennent des «General Obligations», titres d’ordinaire protégés du risque de défaut par la promesse de la municipalité d’augmenter les impôts pour honorer ses engagements. «Si vous prêtez de l’argent à une ville insolvable, et d’une manière aussi manifestement insolvable qu’on puisse l’imaginer depuis 2000, alors vous tombez de fait dans la catégorie des créanciers sans recours» affirme Kevyn Orr. Si cette logique est validée par une future restructuration de la dette de Detroit, elle sera appliquée à d’autres villes en déclin. Ce précédent renchérirait immédiatement le coût de financement de toutes les municipalités américaines.
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