Snowden Casts a Chill Between Moscow and Washington

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L’asile accordé par la Russie au « lanceur d’alerte » américain met en péril un sommet Obama-Poutine en septembre.

Le tête-à-tête Obama-Poutine, en amont du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg, les 5 et 6 septembre prochain, était quasiment une affaire entendue. Depuis que le Kremlin a, jeudi, accordé l’asile pour un an au déserteur de la NSA Edward Snowden, rien ne va plus entre les chefs d’État des «deux grands» de jadis.

Depuis l’arrivée de Snowden le 23 juin en provenance de Hongkong, l’Administration Obama pressait son homologue russe de lui «retourner» l’encombrant fugitif, faute de traité d’extradition en bonne et due forme. Le FBI et le FSB (les services de renseignements des deux pays) négociaient âprement, tandis que le ministre américain de la Justice, Eric Holder, assurait à ses interlocuteurs que Snowden serait placé sous le paravent protecteur de la justice de son pays.

Après des semaines de joutes heurtées en coulisses, la Russie a mis un terme à l’imbroglio juridique en régularisant Snowden, sans préavis aucun envers Washington. «Nous sommes extrêmement déçus que le gouvernement russe ait pris cette décision, malgré nos demandes très claires, et légales, en public et en privé, de voir M. Snowden expulsé vers les États-Unis pour qu’il réponde des accusations portées contre lui, a déclaré jeudi le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney. Nous étudions à présent l’utilité d’un sommet.»

Élus républicains et démocrates, quant à eux, fustigent le «coup de poignard de Moscou», les plus durs exigeant même un boycott du G20. «Ne vous faites pas d’illusions, abonde Andrew Weiss, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace à Washington et spécialiste de la Russie dans l’Administration Clinton. Les relations russo-américaines entrent dans une zone de turbulences.»

Sujets de contentieux

Le coup de froid était déjà survenu peu après la réélection de Vladimir Poutine le 4 mars 2012, venant ruiner trois années de patients efforts d’Obama pour enclencher un «reset» (redémarrage) des relations russo-américaines. Jusqu’alors, le Kremlin et surtout la Maison-Blanche avaient un intérêt manifeste à garder le téléphone rouge branché en permanence. Le contexte géopolitique, avec l’Afghanistan et le dossier nucléaire iranien, l’exigeait. Les aires de coopération se sont, depuis, réduites comme peau de chagrin, tandis que les sujets de contentieux s’amoncelaient: le soutien russe au régime Assad en Syrie, la querelle sur le projet de bouclier antimissile, la trop lente réduction des armements stratégiques et même l’interdiction faite aux couples américains d’adopter des enfants russes.

«Si vous faites le tour des enjeux, il n’y a même pas de quoi signer une déclaration commune», se désole Angela Stunt, professeur à Georgetown et ex-officier de renseignements. Au point que les Russes eux-mêmes pourraient se trouver «fort soulagés» qu’Obama annule son crochet par Moscou, selon Dmitri Simes, expert au Center for National Interest à Washington. Ce que nie vigoureusement le porte-parole du Kremlin, Iouri Ouchakov, qui s’est entretenu vendredi avec l’ambassadeur des États-Unis Michael McFaul, et continue de juger l’affaire Snowden «sans importance».

«C’est impayable, note Edward Mood, ancien ambassadeur britannique à Moscou. Edward Snowden, le “lanceur d’alerte”, se fait accorder l’asile temporaire dans un pays réputé pour écouter sans vergogne les conversations sur l’oreiller de ses propres citoyens.»

infographie, snowden, Moscou

À quoi donc joue Poutine?, s’interrogent les dirigeants américains, consternés. S’est-il pris au jeu d’une opération de relations publiques à peu de frais ou veut-il réaffirmer le rôle mondial de la Russie avec ce pied de nez au vieux rival américain? Un peu des deux, répondent les experts, partagés. «Il y a indéniablement un côté cour d’école, relève Edward Mood, avec cette tentation de se payer la tête des Occidentaux, surtout les Américains, en répondant du tac au tac aux accusations de violations répétées des droits de l’homme.» Il est probable, arguent d’autres, que la maîtrise des événements a tout simplement échappé au Kremlin.

Poutine ne voulait pas entendre parler de Snowden, mais il ne pouvait pas le renvoyer les fers aux pieds en Amérique sans perdre la face, encore moins l’envoyer à Cuba, sous peine de déterrer la hache de guerre avec Washington. L’Administration Obama, quant à elle, est de retour à la case départ: comment s’assurer du silence de Snowden sur les opérations de la NSA, à présent qu’il se dissimule dans la taïga?

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