The Snowden Affair, and If the Web Is the Future Battleground of Diplomacy?

Edited by Kyrstie Lane

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Avec le dépôt du rapport Mandiant, l’affaire Snowden et les multiples accusations que se lancent les USA et la Chine, le web est en train de prendre une place particulière sur la scène internationale. Que faut-il comprendre de cette mutation de la diplomatie ? Où sont les nouveaux enjeux ? On en parle avec Stéphane Leroy, doctorant spécialisé dans le cyberespace.

Un rapport paru la semaine dernière révèle que la Chine et l’Indonésie caracolent en tête du classement mondial des pays d’où proviennent les cyberattaques. Quelques semaines auparavant, le rapport Mandiant taxait déjà Pékin de cyber-espionnage.

Parallèlement, les révélations d’Edward Snowden ont démontré qu’en termes d’actions dans le cyberespace, les États-Unis ne sont pas en reste. Bien que ces affaires écornent durablement l’image des deux grands leaders mondiaux, elles confirment surtout l’importance d’une bataille d’un niveau tout aussi stratégique : celle de la cyber-influence.

Procès en irréprochabilité

À force de rapports, de supposées fuites ou d’accusations directes, la Chine s’est imposée malgré elle comme l’instigatrice de la plupart des cyberattaques dans le monde. L’opacité intrinsèque du cyberespace devrait pourtant nuancer ce statut de coupable idéal.

Le maillage tortueux de ce nouveau domaine stratégique (entre machines zombies et VpN pour n’évoquer que les méthodes les plus célèbres) rend la désignation définitive d’un coupable quasi-impossible. En revanche, il n’en demeure pas moins facile d’accuser à tout va, voire d’utiliser la mauvaise réputation d’un pays à dessein (en perpétuant, virtuellement ou physiquement, des attaques à partir de ce dernier).

L’affaire Prism a rebattu les cartes en faisant une nouvelle victime dans cette guerre d’images. Les États-Unis sont brutalement passés de l’oppressé à l’oppresseur avec la volatilité caractéristique des opinions publiques de notre époque. Les phobies pavloviennes du vieux mythe orwellien et la pression populaire ont donné lieu à des prises de position parfois caricaturales des politiques, et ce sans jamais se montrer à la hauteur des enjeux – à de rares exceptions près.

Alors que ces “cyber-fuites” alimentent le débat des pro et des anti sécuritaires, elles illustrent néanmoins une autre donne stratégique : le cyberespace n’est pas qu’un champ de bataille militaire, il est aussi et surtout le lieu où se forgent les opinions.

Le cyber-espace, outil du “smart power” ?

“Speak softly and carry a big stick” disait Théodore Roosevelt (Parler doucement mais marcher avec un gros bâton). Cette phrase du 26e président des États-Unis théorisait déjà le “smart power” cher à l’ancienne secrétaire d’Etat Hilary Clinton, c’est-à-dire une combinaison entre puissance douce (l’influence qu’apportent la culture, l’histoire, l’intégrité) et puissance dure (par nature militaire et économique).

Si le “hard power” du cyberespace fait de moins en moins débat, on tarde encore à prendre le pouls de la “cyber-influence”. La diplomatie numérique demeure à ce jour une notion floue et peu débattue, soit l’apanage d’un petit groupe d’experts.

Ces questions s’avèrent toutefois essentielles tant elles influencent nos choix économiques, diplomatiques ou politiques. Dans les médias, personne ne remet en cause la pertinence de rapports accusant la Chine malgré leur origine américaine. A contrario, très peu s’interrogent sur les relations troubles de l’ancien employé de Booz Allen Hamilton Edward Snowden avec le Gonganbu chinois (le ministère de la sécurité publique) alors même que les révélations de l’ancien traitant arrivèrent à point nommé, quelques jours avant un sommet bilatéral sino-américain sur la cybersécurité que Pékin abordait en position de faiblesse.

À l’heure actuelle, les révélations de PRISM ont pourtant déjà fait deux victimes : le cloud américain qui commence à perdre des opportunités de contrats d’une part et l’accord de partage de données entre l’Europe et les États-Unis d’autre part, dont la remise en question pourrait déboucher sur la création d’un cloud européen. Sans pour autant évacuer la question de la liberté sur internet, les derniers scandales ont surtout contribué à façonner les esprits et à nuire durablement au “soft power” américain.

Plus largement, la vraie victime de l’affaire Snowden, c’est l’utopie d’un internet libre et ouvert qui a cédé la place à une vision plus crue : celle d’un champ de bataille idéologique.

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