Outre le dossier syrien, le président américain se prépare à un nouveau bras de fer avec le camp républicain, pour le vote du budget 2014 et le relèvement du plafond de la dette fédérale.
Certes, occuper la Maison-Blanche n’a jamais été une sinécure. Mais Barack Obama a droit, cette année, à une rentrée particulièrement gratinée. Sur son bureau, le dossier syrien est le plus brûlant. On sait le président rétif à l’idée de tout nouvel engagement militaire, tout comme l’opinion publique. Le dossier syrien est en outre beaucoup plus explosif que ne l’était le cas libyen. Damas dispose d’une armée bien mieux outillée et d’alliés puissants. Mais, cette fois, Bachar Al Assad ne laisse pas le choix à Obama. Si sa responsabilité dans l’attaque au gaz du mois d’août se confirme, il aura franchi la « ligne rouge » définie par Washington l’an dernier. Ne pas y répondre minerait la crédibilité des Etats-Unis et pourrait donner des idées à d’autres régimes. Face au manque de conviction de ses compatriotes et au refus britannique de participer à une intervention, le président américain a décidé de consulter le Congrès la semaine prochaine. Il n’en a pas l’obligation. Il souhaite simplement s’assurer un fort appui politique. C’est toutefois un jeu dangereux, avec un Congrès si crispé et des républicains toujours prompts à s’emparer de tout dossier pour lui créer des difficultés. Le débat sur la Syrie risque en outre de retarder de cruciales négociations sur l’économie.
Car les parlementaires, qui reprennent le travail le 9 septembre à Washington, ont déjà beaucoup à faire. Ils ont exactement trois semaines pour trouver un accord budgétaire, faute de quoi le gouvernement fédéral, le 1er octobre, devra purement et simplement fermer. Or beaucoup d’éditorialistes s’attendent à un « chaos automnal ». On sait le Congrès particulièrement crispé, depuis des années maintenant. Sur les questions fiscales et budgétaires, notamment. La frange la plus extrémiste du Parti républicain, au cours de l’été, s’est mise en tête d’instrumentaliser le débat de la rentrée pour obtenir le démantèlement de facto de la loi sur l’assurance-santé – la réussite majeure du premier mandat du président. De fait, ils ne veulent pas voter de budget qui attribue à l’« Obamacare » les fonds prévus par la loi. Les républicains les plus modérés hésitent à leur emboîter le pas. Ils suggèrent plutôt de différer l’application des dispositions de la loi d’un an. Ou, encore mieux, de lier le dossier de la santé non pas au budget 2014, mais au relèvement du plafond de la dette. Car il y a une deuxième échéance, encore plus importante : le relèvement de la limite fixée à la dette fédérale. Faute d’accord entre les deux partis, le Trésor pourrait faire défaut dès la mi-octobre. Une fermeture de l’Etat fédéral de quelques jours, les Etats-Unis peuvent le supporter.
Un défaut sur la dette créerait un séisme beaucoup plus ravageur aux yeux des investisseurs. Le pire n’est jamais sûr, mais les conditions ne sont pas favorables. Le leader des républicains au Sénat, Mitch McConnell, qui a souvent joué un rôle d’intermédiaire entre les partis, est sous pression. Il joue l’an prochain sa réélection dans le Kentucky et il a sur le dos, pour les primaires, un ultra-conservateur, Matt Bevin, qui pourrait l’obliger à se « droitiser » au cours des prochains mois. Tout le monde, au Congrès, a déjà en tête les élections de « mid-term » en 2014. L’ambiance promet d’être exécrable à Washington. Quand Barack Obama, au coeur de l’été, a tendu une main aux républicains en leur proposant d’abaisser le taux d’imposition des sociétés, en contrepartie d’une taxation ponctuelle des profits logés à l’étranger, le « GOP » a tourné en dérision son offre comme une nouvelle toquade cryptosocialiste.
Autre dossier délicat : la nomination d’un successeur à Ben Bernanke à la tête de la Réserve fédérale. Deux candidats tiennent la corde : Janet Yellen, vice-présidente actuelle de la banque centrale, et Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton et ancien conseiller de Barack Obama. On a lu, cet été, que le président pencherait pour le second, dont il est plus proche. Mais, pour beaucoup, Larry Summers reste un esprit arrogant, misogyne, et surtout l’inspirateur, à la fin des années 1990, de la dérégulation qui a nourri la crise des « subprimes ». Beaucoup de démocrates plaident pour Janet Yellen, qui féminiserait l’équipe économique autour du président. L’ancienne présidente de la Fed de San Francisco a en outre l’avantage de plaider pour un surcroît de régulation qui est dans l’air du temps. Barack Obama, qui ne manque pas une occasion de rappeler la nécessité de changer les mentalités dans le monde de la finance, n’est pas en mesure de présenter un bilan convaincant aux Américains moyens qui ont perdu leur maison. Trois ans après l’adoption de la loi Dodd-Frank, censée empêcher une nouvelle crise financière, seulement 40 % de ses dispositions ont été appliquées.
Des deux prétendants, Janet Yellen est aussi celle qui se préoccuperait le plus de l’emploi. Ce qui ne serait pas un luxe. Le taux de chômage ne baisse que lentement. Et pas par la grâce de créations d’emplois massives. La plupart des nouveaux jobs émergent dans la distribution et l’hôtellerie-restauration : ils sont peu qualifiés et mal payés. Le salaire horaire moyen a légèrement fléchi. De nombreux Américains renoncent à chercher un emploi, selon le cabinet Express Pros : les découragés, les jeunes qui remettent à plus tard leur entrée sur le marché, les invalides, dont le nombre augmente, et les parents qui préfèrent rester à la maison plutôt que d’engager une nounou. Moyennant quoi, le revenu moyen des Américains est encore inférieur de 6,1 % à son pic de décembre 2007. Comme l’a souligné Barack Obama, mercredi, lors des célébrations du cinquantième anniversaire du discours de Martin Luther King (« I have a dream »), « l’ascenseur social est grippé ».
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