Edited by Bora Mici
Les sourires étaient figés lors de l’ouverture du G20 à Saint-Petersbourg (Russie), jeudi 5 septembre. Sur le dossier syrien, les divisions restent fortes, cristallisées autour des tensions entre Vladimir Poutine et Barack Obama. Pour autant, parler de climat de Guerre Froide n’a pas de sens, estime Pascal Boniface, directeur de l’Iris.
La presse française dans sa diversité d’opinion semble unanime pour évoquer une nouvelle Guerre Froide qui opposerait la Russie aux États-Unis, à l’occasion du sommet du G20 de Saint-Pétersbourg.
Il y a en effet, comme au bon vieux temps, une opposition frontale entre Moscou et Washington à propos d’un conflit dans ce qu’on appelait autrefois le Tiers-monde, où leurs alliés respectifs s’affrontent.
Mais cette facilité de présentation repose plus sur une reproduction légèrement paresseuse des schémas passés plus que d’une analyse des réalités stratégiques.
Une vision occidentalo-centrée
Il y a un bras de fer entre la Russie et États-Unis. Nous ne sommes pas pour autant dans un climat de Guerre Froide. Tout d’abord parce que le monde n’est plus bipolaire. Tout ne se résume pas à un affrontement entre les deux capitales. Les autres participants au G20 ne sont ni des alliés alignés l’un sur l’autre, ni des spectateurs passifs et muets.
La Russie n’est plus le pays faible et titubant des années 1990, Poutine la dirige d’une main de fer, fait entendre sa voix et s’oppose à Washington, mais il n’est plus à la tête d’une alliance mondiale contrôlant la moitié de l’Europe et ayant des bases et des alliances en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes.
Il n’y a plus de système idéologique à vocation mondiale qui cherche à s’exporter et à gagner du terrain sur l’autre. Nous sommes dans le cas de rivalités nationales de conception de l’intérêt national qui divergent profondément et qui se frottent et s’affrontent, mais on revient à une situation classique de géopolitique et non pas la configuration du monde bipolaire, disparue il y a plus de 20 ans.
Il n’y a plus la perspective menaçante d’une ascension aux extrêmes qui se termine par un affrontement nucléaire généralisé.
Parler de Guerre Froide relève d’ailleurs d’une vision occidentalo-centrée. On ne parle pas de Guerre Froide dans les pays émergents, ce sont les Occidentaux qui pensaient justement après le démantèlement de l’empire soviétique que plus rien ne s’opposerait à leurs puissances qui sont déstabilisées par l’apparition de pouvoirs qui contestent leur point de vue.
Pas de logique de bloc
Ce sont plutôt certains dirigeants, experts occidentaux, qui ont une vision de la Guerre Froide confondant Poutine avec Staline, la Russie avec l’URSS, poussant à la constitution d’un système de défense antimissiles qui rappelle le débat sur les missiles balistiques des années 1960 ou la guerre des étoiles des années 1980.
Poutine va certainement essayer de passer des alliances tactiques avec certains pays émergents aussi réticents pour des raisons historiques aux interventions militaires extérieures, surtout si elles sont décidées en dehors du Conseil de sécurité de l’ONU et surtout si elles sont menées par les États-Unis.
Le fait que la Grande-Bretagne et l’Allemagne ne soient pas alignées sur les positions américaines montre bien que la Guerre Froide est révolue. Elles n’auraient pas pu adopter ce type de positions à l’époque.
Alors oui, il y a des pays, Russie en tête, qui s’opposent frontalement aux États-Unis, mais nous sommes dans une logique de positionnement multiforme, pas de logique de bloc, de rivalités entre États, pas de Guerre Froide.
Il faudrait que certains commentateurs mettent à jour leur logiciel intellectuel.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.