VIDÉO – Barack Obama a prononcé mardi soir un discours engagé, en faveur de la diplomatie, qui n’a pas fait oublier ses contradictions à propos d’une intervention militaire en Syrie.
À force d’avoir hésité, zigzagué, repoussé et pesé à haute voix le pour et le contre de sa politique syrienne depuis dix jours, Barack Obama a semé la confusion chez ses compatriotes et les élus du Congrès sur ses intentions profondes. Du coup, quand il a prononcé mardi soir un discours engagé, pour appeler le pays à ne pas détourner les yeux du massacre d’enfants gazés en Syrie, quand il a évoqué le rôle exceptionnel de l’Amérique comme «garant de la sécurité globale» et la nécessité de continuer à porter le fardeau, ses paroles sont tombées dans un abîme d’indifférence et d’ironie sceptique.
L’Amérique, qui avait suivi George W. Bush en Irak avec enthousiasme, en a assez du messianisme et des guerres qu’elle ne comprend pas. «J’aime beaucoup le président et je suis bien d’accord avec le fait que Bachar est un dictateur et que ce massacre à l’arme chimique doit être puni. Mais notre peuple est fatigué de la guerre et je ne suis toujours pas convaincu que ce qui se passe en Syrie relève de notre intérêt national», a noté le représentant du Maryland Elijah Cummings, un démocrate afro-américain. Un sondage de CNN, réalisé juste après le discours, a révélé que plus de 60% des Américains restent d’accord avec Cummings.
À travers la presse, tout aussi sceptique, le discours présidentiel a été étrillé pour ses contradictions et son absence totale de précisions sur la feuille de route qu’entend suivre Obama, si le «lapin» diplomatique sorti du chapeau de Vladimir Poutine se révèle, au bout du compte, être une farce. Dans le journal Politico, John Harris a vu dans le discours l’exemple des zigzags d’Obama et de ses incohérences, décrivant l’affrontement d’un «Zig» plaidant pour la diplomatie et d’un «Zag» pour la guerre. «Le président de la Place rouge veut-il vraiment secourir le président qui a trébuché sur la ligne rouge?», a ironisé l’éditorialiste Maureen Dowd dans le New York Times , parlant de la politique présidentielle «comme de l’heure des amateurs». Reflétant une inquiétude très répandue à Washington sur l’agenda caché du Kremlin, les sénateurs John McCain et Lindsey Graham, qui ont toujours été sur une ligne plus dure que le président quant à l’utilisation de la force – notamment sur l’aide à l’opposition modérée -, se sont étonnés qu’il n’ait pas défini de plan clair, visant à tester le sérieux des propositions russe et syrienne. La question de la faisabilité d’une mise sous contrôle de l’arsenal chimique d’Assad, au beau milieu d’une guerre civile féroce, est à la une de tous les journaux.
Rhétorique grandiloquente
La critique des commentateurs porte aussi sur la capacité d’Obama à rester crédible. Le fait qu’il ait dessiné une «ligne rouge» et annoncé des frappes, pour finalement décider de s’en remettre au Congrès puis, aujourd’hui, à Poutine, apparaît à beaucoup comme une position d’«extrême faiblesse». Tous notent l’inquiétant hiatus entre la rhétorique grandiloquente d’Obama sur les enjeux (la comparaison avec l’Holocauste, le Rwanda) et la valse-hésitation de ses actes.
En réalité, nul n’est dupe du fait que la menace de l’utilisation de la force, brandie par Obama comme élément clé de la négociation, est largement diminuée par son incapacité évidente à convaincre les élus du Congrès. Le président a dû se rendre mardi au Capitole pour réclamer le report du vote sur l’autorisation d’une action militaire, «parce qu’il savait qu’il n’aurait pas les voix. Aller à la négociation avec Poutine après avoir essuyé un camouflet du Congrès aurait été catastrophique», explique au Figaroun élu républicain.
Mais le dilemme de l’action militaire pourrait rapidement toquer à nouveau à la porte de la Maison-Blanche et du Congrès, si Kerry revient bredouille de Genève. Malgré tout le scepticisme des observateurs, le discours d’Obama indique qu’il est prêt à appuyer sur la gâchette, si la diplomatie échoue. «Après ses paroles sur l’impératif moral, il ne pourra faire autrement», estime le sénateur Lindsey Graham. «S’il y a une faille dans la sincérité de la Syrie, je n’ai aucun doute que l’armée américaine interviendra», juge aussi le président israélien Shimon Pérès. Les commentateurs à Washington semblent, eux, avoir des doutes. Mais la vraie question est de savoir ce qu’en pense Assad.
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