Syria, Obama and Saddam's Ghost

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Emouvant, éloquent, mais… efficace ? Le discours de Barack Obama, mardi soir, n’a pas lésiné sur l’émotion pour tenter de convaincre les Américains du bien-fondé d’une frappe en Syrie. L’évocation d’enfants agonisant, « tordus de douleur sur le sol glacial d’un hôpital », la description de victimes du gaz Sarin, « l’écume aux lèvres », marquait une première depuis la campagne, quinze ans plus tôt, du gouvernement Clinton contre Saddam Hussein. A l’époque, en 1998, la secrétaire d’Etat Madeleine Albright et le ministre de la défense Bill Cohen exhibaient les photos atroces d’enfants kurdes gazés en 1988 par l’armée irakienne. Dans l’espoir de rallier l’opinion à des frappes aériennes et à un renforcement des sanctions contre le régime. Il avait fallu attendre le 11 septembre, l’humiliation et la terreur nationale, l’illusion née de la victoire éclair de l’U.S army contre les Talibans, et la grande into dx es armes de destruction massives pour que les Américains consentent à envoyer leurs troupes envahir un pays souverain, fut-il une dictature odieuse.

Cette fois, Obama n’en demande pas tant, et comme à l’époque de Clinton, les images d’enfants martyrisés montrées (cas rare) dans les journaux télévisés ne suffisent pas à mobiliser le pays et légitimer à ses yeux un recours à la force, même limité.

Le président est donc réduit à un registre schizophrène : il vante l’exceptionnalisme américain ( sa force militaire et son statut de garant des valeurs universelles) autant qu’il rassure en promettant main sur le cœur une opération décisive mais contenue. Un déluge de bombes de trois jours pile, délivré aux heures ouvrables de la superpuissance. On ne s’étonne donc pas qu’un parangon de vertu comme Vladimir Poutine trouve le moyen de s’immiscer dans la vaste zone grise séparant ces deux propositions. Peu importe que la menace d’un bombardement américain ait vraisemblablement ouvert la porte à des négociations diplomatiques. Poutine ravit la vedette à Barack Obama en se portant garant d’une solution négociée et d’un contrôle onusien des mille tonnes d’armes chimiques syriennes, dont le régime d’Assad niait l’existence depuis des décennies.

Poutine aurait pu paraître plus crédible s’il n’avait, dans son éditorial paru le 11 septembre dans le New York Times, accusé les insurgés syriens d’avoir gazés des civils de leur propre camp pour mobiliser leurs alliés étrangers. Cette version tordue et digne des pires théories du complot augure mal de la neutralité des russes lors des prochaines inspections de l’ONU en Syrie. Elle présage même un imbroglio terrible. Au premier couac, la Russie n’aura de cesse de décrire ces inspections comme une simple formalité hypocrite nécessaire à un recours à la force américain. Son zèle dipnlomatique ne sera qu’une nouvelle manoeuvre dilatoire.

La situation actuelle évoque sans aucun doute les atermoiements et les faux semblants de l’époque irakienne. A une différence près : l’usage récent de gaz Sarin par le régime syrien, et l’existence de son arsenal chimique, semble avérés. David Kay, l’ancien chef américain des inspecteurs de l’Agence Internationale pour l’Energie atomique en Irak en 1991, puis dans le même pays, pour le compte du Pentagone et de la CIA après l’invasion de 2003, apparait tous les soirs à la télévision américaine pour prêcher la solution diplomatique et proposer ses services. Je l’avais interviewé en 2004 après sa quête infructueuse des armes chimiques et bactériologiques de Saddam. Il était alors amer et furibond d’avoir découvert là-bas le pot aux roses, l’inexistence de l’arsenal irakien, et, trop tard, la duplicité cynique du gouvernement Bush. Cette fois, s’il apparaît circonspect sur les conditions d’éventuelles inspections en Syrie, il ne semble pas douter de la bonne fois du gouvernement américain.

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