Edited by Kyrstie Lane
L’Obamacare est l’otage du Tea Party
Stéphane Bussard
La frange la plus extrémiste du Parti républicain est prête à provoquer un défaut de l’Etat américain ou d’en fermer certains services pour exiger de retirer le financement de la réforme de la santé du président démocrate
Quand il émergea en 2009, le Tea Party avait deux raisons d’être: combattre le président démocrate Barack Obama et empêcher l’adoption de sa réforme de la santé, l’Affordable Care Act. Deux symboles du «big government» qu’il exècre. La réforme que les républicains ont appelée Obamacare et dont l’objectif est d’offrir une couverture santé à 32 des 48 millions d’Américains sans assurance maladie, a pourtant été adoptée. Plusieurs de ses composantes ont déjà produit leurs effets. De nombreux aînés économisent des millions de dollars sur les médicaments. Les jeunes de moins de 26 ans bénéficient désormais de l’assurance maladie de leurs parents. Les assureurs ne peuvent plus refuser un patient qui a des antécédents médicaux.
A l’approche du 1er octobre, les adversaires de l’Obamacare ont toutefois trouvé une nouvelle occasion de se rebeller. Sous l’impulsion du Tea Party et de son tribun texan Ted Cruz, le Parti républicain prend la réforme en otage: il est d’accord d’approuver le nouveau budget pour l’année prochaine à condition que le Congrès supprime les crédits nécessaires à la mise en œuvre de l’Affordable Care Act. La Chambre des représentants, dominée par les républicains, a accepté ce projet de loi budgétaire qui mène pourtant dans une impasse. Car le Sénat, contrôlé par les démocrates, n’acceptera jamais une telle offensive. Barack Obama, dont la réforme est le succès le plus retentissant de son premier mandat, a promis d’opposer son veto le cas échéant. La frange la plus extrémiste du Parti républicain reste néanmoins prête à provoquer une fermeture des services non essentiels de l’Etat fédéral, faute de budget. Elle annonce vouloir utiliser comme levier le plafond de la dette, dont la limite de 16 700 milliards a déjà été dépassée en mai, pour démanteler la réforme.
Cette offensive provoque un malaise auprès des constitutionnalistes, qui déplorent qu’une minorité de la Chambre des représentants soit prête à empêcher le gouvernement ainsi qu’un Sénat dominé par les démocrates de fonctionner et d’appliquer une loi démocratiquement votée et entérinée par la Cour suprême. Chez les républicains, l’atmosphère est à la guerre civile. Les plus modérés dénoncent cette tactique «suicidaire» qui risque d’avoir un impact très négatif sur l’économie et l’emploi. Le dollar pourrait en souffrir en tant que monnaie de référence. Ils redoutent qu’une telle action répète le scénario de 1995. L’intransigeance républicaine avait provoqué la fermeture de services étatiques et le président Bill Clinton, en difficulté, en avait largement profité pour remporter facilement sa réélection.
Ce nouveau psychodrame à Washington n’arrive pas par hasard. L’heure est à l’adoption du budget et à la nécessité de rehausser le plafond de la dette. Il intervient surtout au moment où l’Obamacare entre dans le vif du sujet. A partir du 1er octobre et jusqu’à la fin mars, les Américains peuvent désormais acheter, grâce au soutien logistique et financier de l’Etat, des assurances maladie en comparant les coûts de celles-ci. Selon le Congressional Budget Office, 7 millions d’Américains devraient en acquérir au cours de la première année et jusqu’à 22 millions d’ici à 2016.
La mise en œuvre de la réforme, la plus profonde et ambitieuse entreprise depuis la Seconde Guerre mondiale, reste néanmoins une entreprise très complexe. Plusieurs mécanismes dans la loi sont censés contribuer à réduire les coûts de la santé, qui représentent près de 18% du PIB américain, un record mondial, mais personne ne sait s’ils seront efficaces. Selon les prévisions, la croissance des dépenses de santé ne devrait pas dépasser 5,8% sur une décennie. C’est beaucoup moins que les 12% de croissance enregistrée dans les années 1990.
L’Affordable Care Act prévoit aussi une vaste extension de Medicaid, l’assurance maladie pour les plus démunis. Mais la Cour suprême ayant décidé de laisser cette compétence aux Etats, près de la moitié d’entre eux (républicains) ont refusé cette extension, pourtant financée par Washington, qui aurait permis à 22 millions d’Américains de bénéficier d’une couverture santé. Désormais, ils ne seront que la moitié à en profiter.
La récente levée de boucliers s’explique: l’Obamacare n’a jamais été aussi proche de devenir une réalité quotidienne. Des campagnes haineuses ont été organisées par le Tea Party à travers tout le pays sous le slogan: Defund Obamacare (supprimez le financement). Ils craignent l’irréversibilité de la réforme si elle devait plaire aux Américains. Depuis l’adoption de la réforme, la Chambre des représentants a voté plus de 40 fois pour l’abroger. En vain. L’administration démocrate a sa part de responsabilité. Barack Obama a très «mal vendu» sa réforme aux Américains, qui restent confus. C’est pourquoi elle lance cette semaine une vaste offensive avec l’aide d’un prestigieux orateur: Bill Clinton. L’ex-président a déjà tenu plusieurs discours à cet effet et a un talent pour vulgariser le message. A la Maison-Blanche, on espère que ce sera suffisamment pour convaincre.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.