Edited by Kyrstie Lane
Bonne surprise : le saladier de punch est encore sur le buffet ! Ben Bernanke, le président de la banque centrale des Etats-Unis, l’a annoncé mercredi soir. Pas question de commencer à retirer l’alcool, à ne plus acheter 85 milliards de dollars d’obligations publiques et de titres hypothécaires américains. A cette seule nouvelle, des investisseurs du monde entier, pris d’une douce ivresse, ont poussé nombre d’indices boursiers à des niveaux record. Mais, en réalité, ils se sont surpris eux-mêmes. Quatre mois plus tôt, le patron de la Fed avait évoqué la possibilité d’une modération de son action. Le seul fait d’en parler avait fait bondir les taux d’intérêt américains à long terme de plus de moitié (ils sont passés de 1,7 % à 2,7 %). Une hausse trop rapide pour un pays trop fragile : il n’était pas question d’en rajouter. Le verbe de Bernanke avait suffi.
Bien sûr, la croissance est repartie plus vite et plus fort aux Etats-Unis qu’en Europe. Le taux de chômage touche à peine 7,3 % des Américains, un taux qui ferait rêver François Hollande et les Français avec. L’Amérique est devenue plus compétitive avec le gaz de schiste et des salaires amputés. Les entreprises n’avaient jamais fait autant de profits. Mais, malgré ces signes de dynamisme, l’activité n’a progressé que de 1,6 % en un an. La seule composante vraiment tonique est l’investissement en logement (+ 15 % en un an). Or c’est aussi la plus sensible au taux d’intérêt à long terme. Les derniers indicateurs de l’immobilier américain indiquent déjà un marché moins ferme. Nous sommes ici au coeur de la contradiction du modèle choisi par Washington pour sortir l’économie de l’ornière. Alors que la crise financière a été provoquée par un excès d’endettement, le gouvernement comme la banque centrale veulent en sortir par un nouvel endettement, de l’Etat d’abord, des particuliers ensuite. L’Etat a pu s’endetter massivement à bon prix parce que la Fed achetait ses obligations. Il est évidemment difficile d’en faire autant pour les ménages. Et, sans ce recours à la dette, la mécanique d’une reprise autoentretenue ne peut pas s’enclencher. Si les profits sont au plus haut, c’est que les salaires se traînent. Le revenu médian aux Etats-Unis (la moitié des foyers gagne plus, l’autre moins) a le même pouvoir d’achat qu’il y a un quart de siècle. Avec une demande des consommateurs languissante, les entreprises limitent leurs investissements. Et leur base productive n’est pas suffisante pour que les exportations prennent le relais.
Conformément à sa mission, Ben Bernanke se bat contre l’inflation et aussi le chômage. Mais si puissant que soit son verbe, il ne peut pas réinventer un modèle de croissance.
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