The Republicans’ Gamble May Turn Against Them

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Démocrates et Républicains n’ont pas réussi à s’entendre sur le vote du budget des États-Unis. Résultat : le pays est quasiment paralysé, c’est ce qu’on appelle le “shutdown”. Plus de 800.000 fonctionnaires sont en congés forcés. Comment expliquer cette situation ? Est-ce une faille du système américain ? Réponses de Pierre Guerlain, professeur de civilisation américaine à l’université Paris Ouest Nanterre.

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis font face à un “shutdown”, mais le précédent remonte à tout de même 17 ans, sous Clinton. Cette situation prouve le fonctionnement problématique des institutions américaines.

Les Républicains ne supportent pas la réforme de l’Assurance maladie

Dans le cas présent, le Parlement devait voter le budget de l’État, mais n’y est pas parvenu. La droite a fait un coup de force, pour tenter d’annuler la réforme de l’Assurance santé dont elle ne voulait pas.

L’objectif des Républicains est totalement politique : il vise à détruire cette loi, pourtant validée par la Cour suprême l’an passé, en utilisant tout ce qui est possible dans le fonctionnement normal de la démocratie. C’est une rançon de la démocratie.

Pour autant, dans l’état actuel des choses, la loi sur l’Assurance maladie commencera à entrer en vigueur dès aujourd’hui 1er octobre 2013 et sa mise en place se poursuivra l’année prochaine. Ce n’est pas une réforme sociale à la française ou à la canadienne, elle reste très timide et fait la part belle aux assurances privées, en raison du lobbying qu’elles ont exercé au moment du vote. C’est une réforme a minima et pourtant déjà insupportable pour les Républicains.

Une punition à l’encontre d’Obama

La droite a donc utilisé de façon malhonnête son vote pour bloquer Obama sur tous les plans.

Au sein de cette droite américaine se joue une bataille idéologique, qui s’illustre très bien dans le “shutdown”, entre la frange très à droite du Tea Party et le reste des Républicains. Parmi ces derniers, tous n’étaient pas opposés à voter le budget, mais ils se sont ralliés à la frange dure de peur de passer pour faibles et d’être sanctionnés par leurs électeurs, notamment au moment des primaires.

L’animosité vis-à-vis de Barack Obama est clairement un moteur dans cette montée au créneau. Non seulement il est détesté en tant qu’individu par la droite, mais elle le considère en outre comme faible. Le blocage au Congrès est une punition à son encontre, le but est de le paralyser et de bloquer toute réforme un tant soit peu progressiste.

L’opinion publique tranchera

La partie est risquée pour les Républicains, ce qu’ils viennent de faire pourrait très bien se retourner contre eux. Il n’est en effet pas certain que l’opinion publique américaine approuve ce blocage technique de l’État et ses conséquences.

Il y a 17 ans, le “shutdown” s’était retourné en faveur de Clinton, qui avait gagné la bataille de l’opinion publique, puis les élections de 1996. Cette fois-ci encore, il n’est pas certain que les électeurs républicains approuvent le jusqu’au-boutisme de leurs représentants. Ces derniers se sont peut-être tiré une balle dans le pied.

Le discours anti-État est très prégnant aux États-Unis. Certains Américains se disent : “Ce blocage est une bonne chose, de toute façon l’État ne sert à rien.” Cependant, dans le même temps, l’opinion publique dans son ensemble paraît plus encline à condamner les Républicains que les Démocrates.

Il faut savoir que le monde des affaires, situé à droite et qui finance le Parti républicain, ne peut pourtant pas bien fonctionner sur le long terme avec un État complètement absent, et ce contrairement à ce qu’il prétend. Si le blocage dure – en 1995 il avait duré trois semaines –, ce sera un problème pour l’économie américaine et donc mondiale. L’image des États-Unis dans le monde en sera également écornée. Le contrecoup politique et médiatique pourrait donc être très élevé. Cette crise pourrait donc paradoxalement souligner que les services publics sont essentiels dans une économie avancée.

Autrement dit, le coup de poker des Républicains peut se retourner contre eux…

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