Egypte: nouveau signe du repli américain
Par Pierre Rousselin
La suspension par les Etats-Unis d’une partie de leur aide militaire à l’Egypte est présentée comme une sanction destinée à encourager le régime égyptien à se démocratiser mais c’est aussi un pas de plus dans le mouvement de repli stratégique opéré par Washington pour s’éloigner du Moyen Orient et se concentrer davantage sur la région Pacifique en raison de l’émergence économique de l’Asie.
Vladimir Poutine, qui a si bien profité tout récemment de ce repli américain pour se positionner en Syrie aux côtés de son allié Bachar el Assad, doit se frotter les mains, en rêvant de voir l’Egypte revenir dans l’orbite de Moscou, comme elle l’a été pendant la guerre froide jusqu’à la mort de Nasser, en 1970, et l’orientation pro-occidentale prise ensuite par Anouar al Sadate.
Nous n’en sommes évidemment pas à un renversement des alliances de la part de l’Egypte, mais la mesure américaine confirme l’étendue de la perte d’influence des Etats-Unis au Proche-Orient.
Quoi qu’on pense des méthodes utilisées au Caire pour venir à bout des Frères musulmans, les Etats-Unis devraient soutenir le régime égyptien s’ils veulent défendre leur priorité absolue dans la région: le maintien de l’accord de paix israélo-égyptien de 1979.
La suspension de l’aide militaire pourrait donc n’être qu’une concession de pure forme au Congrès. Elle confirme toutefois que le réalisme en politique étrangère a perdu ses lettres de noblesses à Washington (comme à Paris) au profit d’un droit-de-l’hommisme contreproductif.
Il est peu probable en effet que la suspension des fournitures d’armes américaines ait un effet probant sur la politique du Caire. La rhétorique des militaires est aussi antiaméricaine, si ce n’est encore davantage, que ne l’était celle des Frères musulmans lorsqu’ils étaient au pouvoir.
Sans aller jusqu’à courtiser les Russes, qui seraient ravis que l’on fasse appel à eux pour faciliter leur retour en Méditerranée, l’Egypte ne manque pas de partenaires susceptibles de combler le retrait américain. L’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweit ont déjà promis d’apporter 12 milliards de dollars d’aide pour compenser celle que le Qatar lui avait accordé pour soutenir à bout de bras le régime des Frères musulmans.
L’affaire de la suspension des fournitures d’armes lourdes américaines à l’Egypte est à rapproche de la décision de la Turquie de s’adresser à la Chine pour lui fournir un système de défense antiaérien. Même si cette fourniture, très controversée s’agissant d’un pays membre de l’OTAN, est loin d’être acquise, cela montre que l’Occident est en train de perdre son monopole stratégique dans la région.
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