Edited by Bora Mici
L’histoire économique est mauvaise conseillère en matière de prévisions. Bien que les mêmes protagonistes soient à la manœuvre aujourd’hui, la crise budgétaire de 2013 pourrait bien ne pas ressembler à celle de 2011.
Le contexte initial est très différent, qu’il s’agisse de l’environnement extérieur, de la croissance et de la politique économique.
Le contexte extérieur d’abord. L’été 2011 a été marqué par l’intensification de la crise européenne. Les doutes sur la pérennité du montage institutionnel de la zone euro (FESF…) et la crise de liquidités des banques (sortie massive des fonds monétaires américains) ont fait des Etats-Unis (de leur monnaie et de leurs bons du Trésor) un lieu de refuge par défaut.
Le contexte monétaire était lui aussi bien différent. La Réserve Fédérale (Fed) a décidé, il y a quelques semaines, de maintenir ses achats de bons du Trésor (et de papiers adossés à de la dette hypothécaire) en prévision des turbulences budgétaires. Elle avait, à la fin du mois de juin 2011, mis un terme à son programme d’achat (QE 2) et discutait des modalités de la prochaine étape (l’opération “twist”, qui consistait à vendre des papiers à court terme pour acheter de la dette publique à échéance plus longue).
L’activité économique présentait également des signes de faiblesse dans le courant de l’été 2011. Aujourd’hui, l’activité accélère, comme l’illustre l’indice des directeurs d’achats (ISM Manufacturing) ci-dessous.
En 2011, l’opposition entre démocrates et républicains portait essentiellement sur les moyens de réduire le déficit public et de ralentir la progression très rapide de la dette publique. Aujourd’hui, le déficit public s’est fortement réduit (effet cyclique, ce qui veut dire que les déséquilibres de long terme ne sont pas résolus) et, surtout, l’opposition est bien plus idéologique (se débarrasser de l'”Obamacare”) qu’économique (améliorer la soutenabilité de la dette publique à long terme).
A la lecture de ces indicateurs, la situation semble bien plus favorable aujourd’hui. L’Europe montre des signes (fragiles) de reprise. La politique monétaire de la Fed est accommodante. La croissance semble plus robuste (elle s’élevait à 1,6 % sur un an au deuxième trimestre 2013 – une performance plus qu’honorable étant donné la forte contraction budgétaire cette année).
Cela peut expliquer la relative complaisance des marchés financiers. Le S&P 500 ne s’affiche qu’à peine 3 % en deçà de son plus haut historique. Surtout, la volatilité est très faible, loin des niveaux de 2011 et de ceux suggérés par l’indice de risque politique de Baker, Bloom et Davis (http://www.policyuncertainty.com/media/BakerBloomDavis.pdf).
En l’absence de signaux clairs sur l’issue des négociations entre républicains et démocrates, et alors que la date butoir de relèvement du plafond de la dette se rapproche (passé le 17 octobre, le Trésor ne pourra plus emprunter pour refinancer ses obligations arrivant à échéance et payer ses dépenses. Bien sûr, il pourrait y avoir une ventilation prioritaire des dépenses, mais pendant quelques jours seulement), on distingue trois types d’attitudes :
1. La complaisance : Un accord de dernière minute sera trouvé et tout va rentrer dans l’ordre. Les actions peuvent baisser pendant quelques temps, offrant des opportunités d’achat lorsque les choses iront mieux. Il est évident que les quelques semaines de “shutdown” vont peser sur l’activité mais les quelques dixièmes de point de croissance perdus seront rattrapés au quatrième trimestre. Cette approche se fonde notamment sur une analyse trop rapide du précédent “shutdown”, qui s’est passé sous Clinton en 1995/96.
2. La simplicité : Il y a un risque évident d’aggravation de la crise au fur et à mesure que l’on se rapproche du 17 octobre. On devrait, pendant cette période, assister à une baisse des marchés actions mais aussi, au même titre qu’en 2011, à un raffermissement du dollar et à une baisse des taux d’intérêt. C’est la grande leçon à tirer de 2011 quand, en dépit de la perte du AAA de Standard & Poor’s , l’Amérique est restée une valeur refuge. Le fait que la Fed reste accommodante peut venir étayer cette thèse. Mais c’est oublier que l’Europe ne subit aucune tension majeure aujourd’hui et aussi – surtout – que le séquestre a permis à tout le monde de sortir la tête haute en 2011. Je vois mal comment aujourd’hui, étant donné le caractère idéologique de l’opposition, on pourrait refabriquer un “truc” similaire au séquestre pour s’accorder sur le plafond de la dette.
3. La méfiance : Se méfier du passé, proche ou lointain. 2013 est loin de présenter des similitudes majeures avec 2011. Le risque de non-compromis est bien plus important que ne suggère le niveau actuel de l’indice de risque politique. Par ailleurs, l’environnement de politique économique (la Fed a reporté et non pas renoncé à la réduction de ses achats de papiers publics) et extérieur (pas de crise en Europe – entendons-nous : pas de tension majeure) rend moins attrayante la thèse des Etats-Unis comme valeur refuge ultime. Les graphiques ci-dessous montrent par ailleurs que les corrélations entre dollar, S&P 500 et taux d’intérêt à 10 ans ont changé de signe au cours des derniers mois. Le triptyque dollar fort, taux d’intérêt plus bas et actions en baisse est loin de s’imposer comme une évidence en cas d’aggravation de la crise.
L’histoire est mauvaise conseillère en économie. C’est encore pire lorsque l’incertitude politique se greffe au risque économique. La crise de 2011 permet sans aucun doute d’analyser celle d’aujourd’hui mais rien n’indique que les implications seront les mêmes. En particulier, la réaction du dollar et des taux longs américains pourrait être très surprenante.
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