American Spying Has Become a Far-Reaching Ghost

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i ce n’était grave sur le principe, on serait d’abord enclin à se moquer : mais pourquoi donc les services secrets américains perdent-ils leur temps à mettre sur écoute le portable d’Angela Merkel, une chancelière allemande qui n’est pas, a priori, le danger le plus immédiat qui menace les États-Unis ? Rien de mieux à écouter ? Rien de plus urgent et de plus évidemment terroriste ? Cela étant posé, il y a dans la révélation de l’ampleur et de la systématique de l’espionnage pratiqué par les Etats-Unis – vis-à-vis de pays alliés ou non, de dirigeants ou de citoyens lambda –, matière à indignation mais aussi à rappel à la réalité.

L’indignation ? Elle venait hier de partout. Inacceptable, disait la Chancelière, mais aussi Elio Di Rupo frappé, lui, via Belgacom, ou le président Hollande. Le président de la Commission Barroso rappelait, lui, que le respect de la vie privée est une valeur fondamentale de l’Europe, bafouée dans les régimes totalitaires il y a peu – référence à l’Allemagne de l’Est qu’a connue Merkel. La protection de la vie privée est une évidence politique, qui s’est cependant transformée en dilemme très spécifique dès lors que le monde numérique demande une vraie liberté pour devenir cet espace propice à nourrir les économies et les échanges, mais représente aussi en soi, un champ ouvert à la violation du quotidien des individus qui y dialoguent, y commercent ou s’y exposent.

Le principe de réalité commande, lui, de ne pas devenir naïf. La pratique de l’espionnage est liée depuis la nuit des temps à l’exercice du pouvoir et est aujourd’hui pratiquée par tous, chacun à son échelle, y compris par ceux qui hier à Bruxelles faisaient les vierges effarouchées.

Le véritable étonnement depuis les révélations successives sur les pratiques américaines porte sur la NSA. Cet organisme semble soudain déconnecté du pouvoir politique, comme hors contrôle, pratiquant son savoir-faire, sans plus aucune directive mais en apprenti sorcier des technologies désormais à sa disposition. Comme une machine qui a échappé à son géniteur et tourne fou dès lors qu’elle n’a plus d’objectifs clairs, cadrés, vit sa vie hors surveillance rapprochée ou sans comptes à rendre. Qui pilote aujourd’hui l’espionnage américain ? Visiblement pas le président, Barack Obama. Et c’est cela qui est, en fait, inacceptable.

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