Globalization: Obama’s Great Plan

Edited by Anita Dixon

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Mondialisation : le grand dessein d’Obama

Les États-Unis veulent réussir leur basculement vers les pays du Pacifique.

Contrairement à l’Europe, menacée par la déflation et tentée par la sortie de l’Histoire, les États-Unis luttent pour conserver leur leadership face à la Chine. Pour n’être plus en situation d’hyperpuissance, ils ne cèdent ni au renoncement ni à la panique. Ainsi, les États-Unis d’Obama poursuivent leur stratégie de reflation et créent une nouvelle donne diplomatique grâce à l’accord de Genève conclu le 24 novembre avec l’Iran. De son côté, la Chine de Xi Jinping affirme le choix de la réforme politique, économique et sociale, tout en engageant une épreuve de force avec le Japon et la Corée du Sud à travers l’instauration unilatérale d’une vaste zone de défense aérienne englobant les îles Senkaku et Ieodo.

Barack Obama a commencé son second mandat de manière calamiteuse en cumulant le scandale de la NSA, la déconfiture syrienne, la paralysie des réformes de l’immigration et du contrôle des armes à feu, enfin le bogue informatique géant qui a sinistré le lancement de l’Obamacare. Seuls 106 000 Américains sur 7 millions de bénéficiaires potentiels ont pu s’inscrire sur le site officiel HealthCare.gov en dépit d’un investissement de 630 millions de dollars ; pis, plusieurs millions d’entre eux se trouvent privés d’assurance santé pour avoir dû dénoncer leur police. La percée diplomatique avec l’Iran contraste ainsi avec les difficultés intérieures, faisant de John Kerry l’homme fort de l’actuelle administration.

Le grand dessein d’Obama vise à repositionner les États-Unis dans la mondialisation autour de trois priorités : la reflation et l’indépendance énergétique ; la sortie des guerres enlisées d’Irak et d’Afghanistan ; le basculement de l’Atlantique vers le Pacifique.

La reprise économique est vitale tant pour la politique intérieure que dans la compétition avec la Chine. La croissance constitue le levier d’un désendettement effectif à long terme, tandis que l’autonomie énergétique libère l’Amérique de sa dépendance aux importations de pétrole et au Moyen-Orient. Les États-Unis ne se sont trompés ni d’objectif – la reflation – nide politique économique avec la priorité donnée à la production et à la compétitivité. La politique monétaire de baisse des taux et du dollar, amplifiée par une création monétaire sans précédent, a enrayé les pressions déflationnistes. Le formidable effort de productivité du travail, de restructuration et de recapitalisation des banques, de baisse du coût de l’énergie grâce aux hydrocarbures non conventionnels, d’investissement dans les nouvelles technologies a ressuscité le territoire des États-Unis comme base productive. La croissance est solidement installée au-dessus de 2 % et le chômage a été réduit à 7,2 % de la population active. Pour autant, les séquelles de la crise seront durables, qu’il s’agisse du surendettement de l’État fédéral (110 % du PIB), du risque de bulles immobilière et boursière (les cours ont plus que doublé depuis 2009), des quelque 22 millions de travailleurs découragés.

Le retour en force de Corporate America s’appuie sur quatre atouts. La domination des universités américaines, confortée par l’avance acquise dans l’enseignement en ligne. L’attractivité du pays pour les entrepreneurs, les cerveaux et les capitaux, du fait d’une culture du risque couplée à un État de droit fiable et performant. L’oligopole des géants d’Internet (Apple, Google, Amazon, Facebook, Twitter, mais aussi IMB ou Cisco), qui structure la cyberéconomie. Le réseau d’accords commerciaux bilatéraux – les projets transpacifique et transatlantique complétant l’Alena -, qui jouent au XXIe siècle un rôle comparable à celui des traités d’assistance et de sécurité au temps de la guerre froide en s’imposant comme des institutions et des normes de référence.

Le désengagement des guerres d’Irak et d’Afghanistan va de pair avec le renforcement de la stratégie de défense intérieure. Elle a été réorganisée, depuis février 2013, autour de la lutte contre le terrorisme et du soutien aux autorités civiles en cas de catastrophes naturelles ou industrielles. Avec deux innovations : la réponse aux risques majeurs qui naissent au croisement des mégalopoles et des infrastructures essentielles ; la coopération renforcée avec le Canada et le Mexique afin de penser et d’organiser la sécurité à l’échelle du continent nord-américain.

L’accord de Genève marque un tournant diplomatique en donnant une réalité au pivot vers l’Asie, resté largement virtuel jusque-là. Fruit d’une négociation secrète engagée de longue date, il met fin à trente-cinq ans d’affrontements entre les États-Unis et l’Iran qui ont structuré le Moyen-Orient en deux blocs : un bloc sunnite conduit par l’Arabie saoudite et soutenu par l’Occident ; un bloc chiite mené par l’Iran et appuyé par la Russie et la Chine. Le pari iranien d’Obama porte à la fois sur l’ouverture à Téhéran sous la pression de sa société civile et sur l’éclatement de ces blocs sous le choc du printemps arabe. Le retour de l’Iran sur le marché pétrolier comme la pression sur l’Arabie saoudite et sur Israël permettent une diplomatie de mouvement au Proche-Orient et favorisent un retrait accéléré d’Irak et d’Afghanistan. Les États-Unis retrouvent la liberté de recentrer leur posture stratégique autour du Pacifique, où se jouera le destin du XXIe siècle. Avec pour enjeu immédiat l’aide au Japon, à la Corée, à Taïwan, au Vietnam, aux Philippines, à la Malaisie et à Brunei, tous confrontés à la multiplication des revendications territoriales de Pékin et à son regain d’activisme militaire en mer de Chine.

L’Amérique du XXIe siècle émerge progressivement de la crise des années 2000. Sa reconstruction n’est qu’amorcée. Sa transition vers l’économie de la connaissance et son basculement vers le Pacifique sont loin d’être achevés. Au moment où la rivalité des nationalismes montre combien la paix reste à la merci d’accidents dans l’Asie d’aujourd’hui comme dans l’Europe du début du XXe siècle, les États-Unis apportent du moins la preuve de leur volonté de se réformer et de continuer à faire l’histoire du XXIe siècle.

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