Iraq: Why the US Won’t Involve Itself Anymore

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IRAK. Pourquoi les Etats-Unis ne s’impliqueront pas plus

Après la prise de la ville de Falloujah par des groupes djihadistes, les Etats-Unis peuvent-ils rester simples spectateurs, au risque de laisser s’installer un nouveau foyer terroriste?

Deux ans après le retrait des troupes américaines d’Irak, la prise de la ville de Falloujah, à 60 kilomètres à l’ouest de Bagdad, par des combattants djihadistes issus des rangs de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), ravive de désagréables souvenirs outre-Atlantique. Après un premier essai au printemps 2004, il avait fallu trois semaines aux Etats-Unis pour reprendre cette cité, bastion de la résistance contre la présence américaine, en novembre 2004. Bouclage de la ville, bombardement aérien, artillerie lourde, utilisation de phosphore blanc : ce fût la bataille la plus violente et la plus meurtrière en Irak après la chute de Bagdad en avril 2003.

Le 12 septembre 2007, Barack Obama a promis qu’il continuerait la guerre contre le terrorisme en Irak même lorsque les “boys” seraient partis. Interrogé en 2008, lors d’un débat pour les primaires démocrates sur l’éventualité d’un retour des soldats en cas de résurgence d’Al-Qaïda, il répondait encore : “Si Al-Qaïda se forme une base en Irak, alors nous devrons agir d’une manière qui protège la patrie américaine et nos intérêts à l’étranger.”

Les Etats-Unis font désormais face à cette réalité. Washington suit attentivement la situation sur le terrain. Mais contrairement à l’engagement moral, le secrétaire d’Etat, John Kerry a assuré qu’il était hors de question d’envoyer des forces au sol. Tout en apportant son soutien à Bagdad. “Nous les aiderons dans leur combat mais c’est un combat qu’elles [les autorités] doivent à terme gagner elles-mêmes”. Si les Etats-Unis ont largement abandonné la région, peuvent-ils rester de simples spectateurs au risque de laisser s’installer un nouveau foyer de terrorisme ? Ou s’impliqueront-ils… a minima ?

Un soutien a minima

Aide militaire

Principaux partenaires de l’Irak en matière de sécurité et de défense, à qui ils ont fourni depuis 2005 plus de 14 milliards de dollars d’armements, les Etats-Unis ont décidé en début de semaine d’accélérer leurs livraisons de missiles et de drones de surveillance. 100 missiles air-sol Hellfire, que l’on peut tirer à partir d’hélicoptères, et 10 drones d’observation ScanEagle seront livrés dès le printemps.

Ce matériel s’ajoute aux 75 missiles Hellfire déjà envoyés mi-décembre. Sur place, des centaines de militaires américains en poste à l’ambassade dans la capitale conseillent les ministres et les bases américaines peuvent servir de ressource logistique pour l’armée irakienne. En revanche, le Congrès a refusé de vendre des avions de combats F-16 et des hélicoptères de combat Apache, de crainte de voir le pouvoir les utiliser contre ses opposants intérieurs, en l’occurrence contre la communauté sunnite. Ou encore de les retrouver entre les mains des terroristes.

Appui à une solution politique

Autre levier pour les Etats-Unis : la dimension politique. Les élections législatives en avril 2014 seront cruciales. Dans son éditorial du 31 décembre, intitulé “Plus d’armes ne sauvera pas l’Irak”, le “New York Times” souligne : “Comme elle distribue des armes, de l’intelligence et du conseil, l’administration Obama doit presser M. Maliki [l’actuel Premier ministre Nouri al-Maliki, NDLR] et les autres leaders irakiens pour s’assurer que les élections d’avril soient libres et équitables et que l’on s’engage à adopter des lois qui répondront aux revendications de la communauté sunnite. Elle doit également être prête à arrêter ou à suspendre les livraisons d’armes si elles sont mal utilisées [contre son peuple par exemple] ou si M. Maliki continue de faire passer ses propres intérêts avant ceux du pays”.

Membre de la communauté chiite, le Premier ministre a marginalisé la minorité sunnite, notamment dans la province d’al-Anbar, où se situe Falloujah. Une population qui a fini par se braquer, par manifester violemment et pour certains, par passer des accords avec les groupes extrémistes djihadistes qui n’attendaient pas mieux qu’un soutien populaire. Il faut donc le régime regagne leur confiance : “Si Nouri al-Maliki n’a pas les Bédouins [sunnites] d’al-Anbar avec lui, la reconquête de Falloujah risque d’être très difficile”, jugeait il y a quelque jours le spécialiste François Géré.”

Mais pas plus

Barack Obama peut-il s’impliquer davantage dans une région où les Etats-Unis ont perdu toute crédibilité ? Les possibilités existent : envoyer plus de conseillers militaires, débloquer les livraisons d’armes demandées par Bagdad ou carrément mener une guerre des drones comme c’est le cas au Yémen et au Pakistan. Le président américain n’a fait aucun commentaire public sur les développements dans la province d’al-Anbar. Sans doute parce qu’il n’a que très peu de marge de manoeuvre, pour plusieurs raisons.

Priorité au désengagement afghan

Le désengagement afghan est la priorité de la Maison Blanche et occupe déjà très largement l’agenda des militaires.

Une opinion défavorable

Surtout, l’opinion publique américaine ne le souhaite pas. En janvier 2013, un sondage NBC/WSJ révélait que 59 % des Américains estimaient que la guerre en Irak n’en valait pas la peine. Une proportion déjà atteinte en 2008. Le président des Etats-Unis, qui doit affronter plusieurs dossiers à domicile, et notamment prouver le bien-fondé de sa réforme sur la santé entrée en vigueur en début d’année, ne prendra pas le risque de braquer plus encore les Américains avec un engagement plus explicite en Irak.

L’heure du bilan ?

Force est de constater que personne ne souhaite s’engager de nouveau en Irak. Mais les drapeaux de l’EIIL flottant sur Falloujah a ravivé le débat sur les conséquences de cette guerre. “Mon unité a perdu quelque 50 hommes, dont plusieurs amis”, se rappelle l’ancien soldat Robert Reynolds, interviewé mardi 7 janvier par le “Washington Post”. “Ca craint de se dire qu’ils sont allés là-bas pour donner à ces gens une seconde chance […] et de voir que maintenant, ce que nous avons fait est nul et non avenu parce qu’on les a laissés [les extrémistes] revenir, parce que la Garde nationale irakienne et les autorités n’ont pas pu faire leur travail […] C’est super décourageant… ai-je tiré pour rien? ” Les témoignages d’anciens combattants se sont ainsi succédés dans les médias pour dire la déception et le sentiment de gâchis face au sacrifice qu’ils estiment avoir consenti.

Plusieurs responsables politiques républicains se sont engouffrés dans la brèche pour critiquer la politique étrangère de Barack Obama, qui a décidé le désengagement des troupes américaines en Irak. Sur Fox News, le sénateur John McCain a de nouveau estimé que l’administration Obama s’était retiré beaucoup trop vite et n’avait pas assez fait pour aider l’armée irakienne à maintenir la sécurité. Il lui a reproché de ne pas avoir maintenu une force résiduelle, même si l’actuel président Nouri al-Maliki n’en voulait pas, et d’avoir au contraire laissé un “vide de pouvoir”.

Pour l’heure donc, la Maison Blanche garde ses distances, accentuant encore plus le flou qui entoure la politique de Barack Obama au Moyen-Orient. Jusqu’à quand ? L’Irak, mais aussi la Syrie et le Liban sont aujourd’hui en proie à de nouveaux troubles qui peuvent difficilement laisser indifférents les Etats-Unis. “La chute de Falloujah signifie beaucoup plus qu’une simple nouvelle victoire du terrorisme. Cela illustre l’échec des États-Unis à réhabiliter une nation opprimée par un régime totalitaire […] Les répercussions seront plus importantes sur le conflit en Syrie et sur la poursuite des efforts en Afghanistan”, écrit le site politique “The Hill”.

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