Le gouverneur du New Jersey aurait volontairement provoqué des embouteillages sur un pont très fréquenté pour se venger du maire de Fort Lee. De notre correspondant à New York.
Les “Sopranos”, comparé au “Bridgegate”, c’est Winnie l’Ourson ! La politique américaine surprend souvent, mais il est rare qu’elle fasse autant rire. Signe infaillible d’un politicien enlisé dans le deep doo-doo ? Il se fend d’un communiqué plutôt que d’apparaître devant les caméras. C’est ce qui est arrivé mardi 7 janvier à Chris Christie, gouverneur du New Jersey et grand espoir du parti républicain – on est tenté d’écrire : ex-grand espoir…
Tout commence à l’été dernier. Le populaire Christie, qui entame une campagne pour être réélu gouverneur, veut absolument s’attirer le soutien de démocrates de cet Etat qui vote généralement à gauche. Sa manœuvre est limpide et pas si bête, c’est un copié-collé sur ce qu’avait fait George W. Bush en 2000 : se présenter à la présidentielle de 2016 avec l’image d’un homme de compromis, capable de s’entendre avec “ceux d’en face”.
Un gouverneur rancunier
Entre en scène Mark Sokolich, maire démocrate de Fort Lee. Fort Lee est un petit bled du New Jersey qui a la particularité d’être situé juste avant le George Washington Bridge, l’un des grands ponts menant à Manhattan et l’un des plus fréquentés du pays. Et Sokolich fait savoir qu’il n’a aucun désir de soutenir Christie. L’affaire aurait pu en rester là. Mais visiblement, le gouverneur est rancunier. En septembre, des voies d’accès au pont se trouvent fermées pour de mystérieux travaux, engorgeant le trafic, retardant les bus scolaires et faisant passer le temps de réponse aux urgences de 2-4 minutes à plus de 16 minutes. Une petite vieille de 91 ans mourra ainsi sur le chemin de l’hôpital.
En décembre, scandale : on apprend que des membres de l’administration Christie ont ordonné la fermeture de ces accès pour punir le maire récalcitrant. Deux fonctionnaires proches – mais pas trop – du gouverneur sont obligés de démissionner, tandis que celui-ci assure qu'”absolument personne”, dans son entourage, n’a ordonné la fermeture de ces voies d’accès. “Tous m’ont assuré qu’ils n’avaient aucune connaissance” de cet incident, martèle-t-il. Le presse est sceptique, vu le caractère ombrageux du bonhomme, mais faute de preuves…
Emails compromettants et noirs desseins
Mardi, patatras : une agence régionale publie des courriels montrant notamment la directrice-adjointe de cabinet de Christie, très proche de lui, se réjouissant sadiquement des malheurs du maire aux embouteillages. “Le moment est venu, pour Fort Lee, de connaître quelques problèmes de circulation”, écrit-elle en août. Et gniak, pas de remords pour les mômes retardés dans les bus scolaires : “Ce sont des enfants” de l’adversaire démocrate de Christie aux élections du gouverneur. Enorme scandale. Et comme dans le club Bada Bing des Sopranos, on n’en est qu’au début du striptease : selon un élu, les documents relatifs à cette histoire kafkaïenne pourraient représenter 3.000 à 5.000 pages, de quoi receler un tsunami d’emails compromettants !
On ne sait pas ce qui est le plus hilarant dans cette histoire, entre la bêtise de responsables politiques dévoilant dans des courriels leur noirs desseins, ou la petitesse d’un gouverneur qui était assuré d’être réélu. Christie a assuré qu’il n’était pas au courant et qu’une ou plusieurs têtes allaient tomber, mais il ne convainc plus que les naïfs. Il risque de se retrouver marqué d’une triple lettre écarlate : idiot, mesquin et menteur. Peut-être assez pour torpiller une candidature à la présidence ces Etats-Unis.
Loin du George Washington Bridge et de ses célèbres embouteillages, un nouveau Don se frotte les mains : l’honorable Jeb Bush…
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