Accusés depuis juin 2013, grâce aux documents révélés par l’ex-consultant de la NSA, Edward Snowden, d’intrusion massive dans les vies des citoyens du monde entier comme dans les secrets commerciaux, diplomatiques ou politiques de pays souvent alliés, les Etats-Unis se devaient de réagir. La démocratie américaine a répondu, par la voix de son président, Barack Obama, aux inquiétudes de la communauté internationale.
Le programme de surveillance mondial mis en place par la NSA avait fini par fonctionner sans les garde-fous nécessaires, a admis le président des Etats-Unis. Il n’a pas pour autant réhabilité M. Snowden, sans qui, pourtant, le débat entre sécurité et liberté n’aurait pas été posé. Ce dernier a été l’anticorps généré par un système de surveillance devenu un monstre technologique piloté par des techniciens sans contrôle.
Ni l’ex-consultant de la NSA ni les journaux, dont Le Monde, qui ont publié les documents de cette agence n’ont jamais pointé autre chose que l’urgence d’instaurer un débat public sur ces systèmes de surveillance d’Etat et leur contrôle. En guise de réponse, M. Obama en a appelé à l’institution judiciaire – garante de l’Etat de droit –, afin de limiter les dérives de la collecte massive, sans aucune discrimination, des données personnelles. De même propose-t-il de créer des filtres institutionnels entre la NSA et les gigantesques bases d’informations électroniques recueillies dans le monde entier à l’insu des individus, des Etats ou des entreprises.
Cela suffit-il, comme M. Obama l’affirme, pour qualifier ces mesures de « nouvelle approche » ? Non. La philosophie du renseignement aux Etats-Unis n’est en rien remise en cause ou même modifiée. Elle conserve comme postulat, depuis les attentats du 11 septembre 2001, qu’il faut disposer de bases de données capables de stocker cent ans d’Internet afin de pouvoir tout connaître de l’ennemi d’aujourd’hui, et surtout de demain.
Certains pays veulent tout contrôler à leurs frontières physiques. Les Etats-Unis entendent ainsi mettre sous surveillance l’ensemble de la sphère numérique. La lutte contre le terrorisme le justifierait. Mais les documents de la NSA ont montré que ces outils servent, en réalité, davantage à la guerre économique, diplomatique et politique. En d’autres termes, ce qui est avant tout en jeu aux Etats-Unis, ce n’est pas tant la sécurité du pays que son influence dans le monde.
C’est pourquoi le discours de M. Obama, s’il a le mérite d’admettre la légitimité du débat, reste à la surface des problèmes soulevés par les documents Snowden. Il ne faut plus, dit-il, que les téléphones ou les courriels de ses homologues étrangers soient écoutés ou interceptés. Cela contribuera certainement à détendre l’atmosphère lors des rencontres internationales. Mais les Etats-Unis ne s’empêcheront pas, ajoute-t-il, de chercher à connaître les intentions des gouvernements.
M. Obama a surtout voulu rassurer les dirigeants de pays amis qu’ils ne seront plus espionnés à titre individuel, et ses compatriotes sur le respect de leurs droits. Une ambition qui laisse ouverte une interrogation essentielle : existerait-il deux standards de liberté dans le monde, celui en vigueur aux Etats-Unis, méritant d’être protégé, et un autre, dans le reste du monde, que l’on pourrait allégrement bafouer ?
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