Dennis McGuire a mis 26 minutes à mourir. Le condamné a semblé reprendre conscience sur la table d’exécution peu de temps après l’injection d’une dose létale par les bourreaux de sa prison d’Ohio, puis visiblement tenté, avec des difficultés croissantes, de remplir d’air ses poumons durant la plus longue agonie jamais constatée depuis 15 ans dans les couloirs de la mort d’Ohio.
La pénurie de Penthotal, le médicament d’ordinaire utilisé pour les injections létales aux Etats-Unis, a contraint les autorités de l’Etat a recourir cette fois à un ersatz, le Midazolam, qui n’a jamais été testé et homologué pour la mise à mort d’êtres humains. Les avocats de McGuire, coupable en 1989 du viol et du meurtre au couteau d’une jeune femme enceinte, ont argué devant une cour de justice que cette expérimentation pouvait provoquer une sensation d’asphyxie et une angoisse du condamné qui s’apparentait à « un « crual and Unusual punishment interdit par la Constitution. Les réponses du juge sur le « droit à l’innovation par les autorités judiciaires de l’Etat, et la plaidoirie du procureur, rappelant qu’ un « condamné n’est pas assuré du droit à une exécution sans douleur » ont abouti au rejet de la requête.
L’abandon, en 2011, de la production du Penthotal par son seul fabricant américain, Hospira, inquiet de possible représailles sur ses usines européennes, a laissé les prisons américaines fort dépourvues. D’autant que le seul groupe pharmaceutique produisant encore ce puissant analgésique, le danois Lundbeck, a lui-même interdit la livraison de son médicament aux prisons américaines par crainte d’un tollé dans l’opinion et de sanctions de Bruxelles.
Les réactions à ce boycott, aux Etats-Unis, en disent long sur l’isolement des Etats concernés et sur les avancées des mouvements anti peine de mort. La défense du dogme du châtiment suprême s’apparente de plus en plus à une manifestation d’orgueil irrédentiste en réponse aux leçons de droit de l’homme venues d’Europe. Le Texas, imperturbable, annonce qu’il se fournira chez des préparateurs pharmaceutiques, même non homologués ; l’Ohio et la Floride tentent de nouveaux produits chimiques, et le Missouri vient d’autoriser le recours à des pelotons d’exécution en guise d’ alternative si l’exécution médicalisée devenait trop malaisée. Le Wyoming, lui aussi confronté à la pénurie, admet que son autre méthode de mise à mort, la chambre à gaz, est compliquée, car l’Etat ne dispose plus des équipements nécessaires, remisés depuis des années pour raison budgétaire…
Le sort de Dennis McGuire, personnage particulièrement haïssable en raison de son crime, n’a pas suffi à provoquer un mouvement d’opinion, mais l’étaux se resserre sur le dogme de la peine de mort. Au moment où « seulement » 63% des Américains l’approuvent, la fin du mythe des exécutions indolores pourrait bientôt relancer une polémique nationale
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