Obama: ‘Yes, But We Cannot’

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Du discours sur l’état de l’Union, il faut retenir la nouvelle confiance en soi de l’Amérique. Et les limites du pouvoir de son président.

La réunion qui s’est tenue mercredi 29 janvier dans l’Eccles Building de Washington, siège de la Fed, est significative à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle était l’occasion du passage de flambeau entre Ben Bernanke, le pilote de la banque centrale qui a traversé la crise la plus terrible depuis 1929, et son successeur, Janet Yellen. Mais aussi parce qu’elle a été l’illustration de ce que les États-Unis, maintenant qu’ils sont sur la voie du redécollage, n’ont strictement aucune envie de jouer les pompiers pour éteindre les incendies monétaires quand survient l’alerte au feu d’une nouvelle crise.

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Les pays émergents, Turquie, Inde, Brésil, et même Russie et Chine, sont en pleine turbulence sur leurs devises et leur croissance. Les États-Unis n’y sont pas pour rien, puisque, après avoir déversé des milliards de dollars sur les marchés pour faire redémarrer leur propre économie et accessoirement soutenir la croissance des autres, ils ont à l’automne inversé la tendance et réduit progressivement leurs achats massifs de bons du Trésor, tout en augmentant leurs taux d’intérêt. Ce qui a eu pour effet d’amener les investisseurs à se tourner de nouveau vers le dollar et à abandonner les devises des pays émergents.

Peu importe donc, pour la Fed, que la Turquie essaie de sauver sa monnaie en doublant presque ses taux d’intérêt, que l’Argentine s’effondre, que le rouble se déprécie. L’Amérique va bien. Son chômage n’est plus qu’à 6,7 %, la croissance repart partout. Et la banque centrale continue à réduire de 10 milliards de dollars supplémentaires ses injections dans le circuit financier, au risque d’asphyxier certains. Obama avait promis que l’Amérique ne lâcherait pas les pays en difficulté. Il semble que ce soit fini. Du moins sous cette administration.

Augmenter les bas salaires… de 250 000 personnes

Ce regain de santé de son pays a donc permis à Barack Obama de se présenter en chef de guerre économique victorieux, mardi soir, au cours du traditionnel discours sur l’état de l’Union. Une posture focalisée sur le bien-être de la société américaine, loin du rôle messianique et bienfaiteur que les États-Unis se sont plus ou moins attribué depuis le plan Marshall. Mais quel chef d’État, dans la crise mondiale que nous traversons, pourrait en vouloir au président des États-Unis de décider que charité bien ordonnée commence par soi-même…

Reste un problème pour Obama : fort de la reprise américaine (3,2 % de croissance au dernier trimestre), il voudrait accentuer le volet social de sa politique pour combattre des inégalités qui sont évidentes, mais il ne le peut pas. Ou si peu. De son discours sur l’état de l’Union, on a beaucoup retenu la décision du président américain d’augmenter les salaires les plus bas de presque 30 %. Seulement, comme Obama n’a pas la majorité parlementaire qui lui permettrait de faire passer une telle mesure pour tous les mal payés de l’Amérique, il est contraint de décider par ordonnance. Ce que les Américains appellent executive order. Un système qui limite sa capacité d’agir aux fonctionnaires et aux salariés des entreprises travaillant pour l’État. Ceux-là verront en effet leur salaire minimum passer de 7,25 à 10,10 dollars de l’heure. Mais ils ne sont pas très nombreux. À peine 250 000.

On est loin de la promesse faite par Obama, il y a un an, d’augmenter sensiblement le salaire minimum de 17 millions d’Américains. Pour la mettre en oeuvre, il aurait fallu un vote du Congrès, totalement inenvisageable aujourd’hui. Certes, la majorité républicaine du Congrès s’est déconsidérée, à la fin de l’année dernière, en empêchant la machine administrative américaine de fonctionner pendant plusieurs jours. Mais la Constitution et le fameux système du check and balance lui donne le droit de modérer les ardeurs réformatrices du président. John Boehner, le chef de la majorité républicaine, l’a rappelé en réponse au discours d’Obama. S’il veut se passer de l’approbation des parlementaires, il ne pourra agir par ordonnance que sur des sujets mineurs. Et pour des décisions qui n’auront qu’une durée de temps limitée. “Yes… but we cannot.”

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