La Russie constitue en effet l’arrière-plan central de ce qui se passe à Kiev.
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Il y a le feu à la maison Ukraine, mais ni l’Amérique ni l’Europe n’apparaissent comme des pompiers crédibles. Plutôt comme des spectateurs navrés et impuissants, qui ne peuvent influer qu’à la marge sur une situation ukrainienne plus dangereuse que jamais. Les appels du vice-président Joe Biden «à retirer les forces gouvernementales des rues» et à engager un «dialogue immédiat» avec l’opposition lors d’une conversation mardi soir avec le président Ianoukovitch cachent mal la réalité qui saute aux yeux. Les États-Unis ont été presque absents de la bataille qui se joue à Kiev pour l’avenir de l’Ukraine, sans parvenir à apporter du muscle à l’action d’une Europe divisée.
Au début de l’Administration Obama, il y a même eu une prise de distance délibérée vis-à-vis des voisins de la Russie. Échaudée par la guerre russo-géorgienne de 2008, la Maison-Blanche décida qu’elle ne répéterait pas les erreurs de Bush, jugeant qu’il avait poussé la Géorgie à une confrontation géopolitique dangereuse avec Moscou, sans être capable de l’appuyer jusqu’au bout. Obama lança le «reset» de sa politique russe, pour établir une coopération ciblée avec Poutine, sur l’Iran ou l’Afghanistan par exemple. Cinq ans plus tard, plus personne à Washington ne parle de «reset». Entre l’affaire Snowden et la guerre de Syrie, où la Russie tient à bout de bras le régime d’Assad, Poutine est devenu le casse-tête diplomatique de Washington. L’Amérique s’est en réalité privée de cartes pour peser sur la crise à Kiev. Derrière l’équation ukrainienne, elle voit resurgir l’équation poutinienne.
Poutine constitue en effet l’arrière-plan central de ce qui se passe à Kiev. Sans lui et les 15 milliards qu’il a lancés dans la balance, Viktor Ianoukovitch n’aurait jamais osé renoncer à l’accord d’association que lui proposait l’Union européenne. Il n’aurait sans doute pas lancé les troupes spéciales Berkout à l’assaut de la place de l’Indépendance. Tout en affirmant ne pas se mêler de la situation, le Kremlin a reconnu que les deux hommes s’étaient parlé dans la soirée. Il y a une alliance de fait entre Ianoukovitch et Poutine. L’Ukrainien a basculé dans la répression car il veut sauver son régime. Le Russe l’encourage car si l’Ukraine part vers l’Ouest, son propre régime autoritaire se retrouve fragilisé et son projet de reconstitution d’un empire autour de la Russie, impossible.
«Une plongée dans la guerre civile»
Cette hantise de tout perdre explique pourquoi les médias contrôlés par le Kremlin ont déchaîné une propagande anti-américaine et anti-européenne, pour accréditer l’idée que l’Occident serait derrière les violences de mardi. Le ministère des Affaires étrangères russe parle de «tentative de coup d’État» orchestrée par les Occidentaux… «Les termes de “terroristes” pour désigner les manifestants visent à déshumaniser l’opposition, à justifier la répression et à discréditer une éventuelle médiation occidentale», s’inquiète l’analyste de la Brookings Fiona Hill, qui n’exclut pas «une plongée dans la guerre civile». «Cette partie est très difficile pour l’Occident, car nous jouons un jeu du XXIe siècle en proposant un accord de partenariat à l’Ukraine. Poutine, lui, joue un jeu du XIXe, en employant la force, la ruse, la propagande. Le jeu est inégal», note Hill.
Parmi les forces sur lesquelles les États-Unis pourrait jouer pour apaiser le jeu, notent certains, figurent les élites ukrainiennes et, parmi elles, de puissants oligarques comme Rinat Akhmetov, qui a dénoncé la répression, malgré ses liens anciens avec Ianoukovitch. Eux n’ont pas intérêt à un bain de sang et savent mieux que quiconque que derrière la virtuosité politique de Poutine se cache une Russie corrompue et en désordre.
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