Une fois de plus, Washington est conduit à se mêler des affaires du Vieux Continent face à l’incapacité de l’Europe à gérer ses propres crises.
“L’Europe ? Quel numéro de téléphone ?” interrogeait jadis Kissinger. Dear Henry peut être rassuré. L’Europe possède aujourd’hui un indicatif. Et même un véritable standard téléphonique. Il y a d’abord le volubile président de la Commission, José Manuel Barroso. Il y a ensuite Herman Van Rompuy, grand amateur de haïkus flamands, président permanent du Conseil européen. Et encore la présidence tournante de l’Union européenne (pour six mois), actuellement exercée par la Grèce.
Enfin, le Service européen d’action extérieure représenté par la transparente Catherine Ashton. Malgré le talent de son secrétaire général, l’excellent et placide Pierre Vimont, passé à la postérité grâce au film Quai d’Orsay (où il est incarné par Niels Arestrup), cet organisme ne brille pas par son efficacité. Ce qui n’a rien d’étonnant puisque l’on a créé un service diplomatique avant même de tenter de mettre sur pied une politique étrangère cohérente de l’Union…
Bref, le lecteur le moins averti aura compris en trente secondes que cette usine à gaz européenne est totalement inopérante lorsqu’il y a le feu à la maison voisine, comme en Ukraine. Reste, bien sûr, le conseil des chefs d’État et de gouvernement, le véritable organe décisionnaire. Mais à 28, le principe dominant est celui du plus petit commun dénominateur.
L’Europe à la remorque
Si l’Union peut signer des chèques, elle est incapable de la moindre initiative politique d’envergure. Celles-ci ne peuvent venir que des pays membres et, pour l’Ukraine, de l’Allemagne, de la France et de la Pologne. Malheureusement, la démarche de cette troïka – baptisée “triangle de Weimar” – a tourné court. Les émeutes de Kiev ont balayé l’accord conclu avec la bénédiction des Russes avant même que l’encre ne soit sèche.
Face à l’incapacité des Européens a gérer la crise ukrainienne, les États-Unis sont contraints de s’engager. C’est une vieille histoire : par deux fois au cours du XXe siècle – en 1917 et en 1941 -, l’Amérique est venue éteindre les incendies dévastateurs qui ravageaient le Vieux Continent. En 1945, ils en ont conclu qu’il valait mieux rester à pied d’oeuvre, en Europe. Et matérialiser le lien transatlantique par une alliance formelle : l’Otan. Les Européens étaient d’ailleurs demandeurs face à la menace soviétique. Bis repetita dans les années 1990 dans l’ex-Yougoslavie. L’Europe doit appeler les Américains à la rescousse pour mettre un terme au chaos dans les Balkans.
C’est donc entre Washington et Moscou que se traitent à nouveau les choses sérieuses. Barack Obama, en visite à Bruxelles, a lancé mercredi 26 mars vers le Kremlin un petit signal visant à calmer l’ours russe : “Ni l’Ukraine ni la Géorgie ne sont aujourd’hui sur le chemin d’une adhésion à l’Otan”, a-t-il dit. Il en a profité pour prononcer un plaidoyer en faveur du gaz de schiste qui permet d’assurer davantage d’indépendance énergétique. Et le lendemain Vladimir Poutine a décroché son téléphone pour appeler directement Barak Obama. En fait, la crise ukrainienne ne peut être isolée : elle s’inscrit dans un jeu stratégique global parmi les dossiers iranien, syrien. Et l’Europe est bel et bien à la remorque…
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