Il y a un an, deux bombes explosaient à la ligne d’arrivée du marathon de Boston. Après une intense chasse à l’homme, l’un des auteurs, Tamerlan, est abattu et son frère cadet, Jahar, arrêté. Depuis, leurs motivations sont scrutées avec soin, particulièrement sous l’angle psychologique.
Dans le cas de Tamerlan, suivant le dossier du Boston Globe, il appert qu’il entendait des voix, phénomène que la famille avait décidé de traiter par la religion plutôt que la thérapie. Graduellement, la voix prit une tangente de plus en plus radicale.
Cette approche est toutefois limitée car elle n’explique pas pourquoi, dans la vaste majorité des cas, les massacres de masse sont perpétrés par de jeunes hommes sains d’esprit comme son frère Jahar.
Plutôt que de se pencher sur des caractéristiques individuelles, il est intéressant de faire des parallèles avec des événements similaires, notamment les massacres en milieu scolaire pour dégager des facteurs sociaux.
Dans un premier temps, ces drames sont annoncés par les auteurs qui donnent des indications de leurs funestes intentions via des menaces voilées et autres formes de bravades. Tamerlan avait, par exemple, utilisé Facebook pour supporter le jihad contre les Américains qu’il accusait de mener une guerre contre l’Islam.
Ces menaces sont souvent annoncées au groupe de pairs afin de montrer sa valeur et obtenir de la reconnaissance. Les menaces n’étant généralement pas prises au sérieux, il y a inflation et, rarement, passage à l’acte afin de maintenir de la crédibilité. Plus l’univers des auteurs de massacres est homogène, plus le rejet par celui-ci prend des proportions qui n’ont aucun sens en termes réels.
Dans le cas de la famille Tsarnaev, l’intégration a été une épreuve difficile. Ansor, le père, espérait fortement que son aîné représente les États-Unis à la boxe olympique, espoir déçu lorsqu’en 2009 ce dernier n’est pas accepté dans les championnats du Massachusetts. Pour Tamerlan, cet échec est probablement déterminant car il s’agit non seulement du rejet par la nation d’accueil mais en plus d’un échec face au groupe familial.
Face à de tels échecs, les éventuels tueurs cherchent un moyen alternatif d’obtenir de la reconnaissance, souvent à l’extérieur des normes sociétales. Ceux qui passent à l’acte cherchent un moyen qui démontre leur rejet du cadre normal. Ils sont inspirés par les modèles qui se retrouvent dans la culture populaire, soit des hommes se dressant contre le mal et utilisant la violence pour se faire justice et ainsi régénérer la société.
La valeur de ces hommes vient de leur refus de tout compromis au nom de valeurs pures. À cet égard, les frères Tsarnaev ont été inspirés par une mixture de culture hollywoodienne et jihadiste, les deux frères changeant leur comportement graduellement alors que l’aîné découvrait le Coran qui lui donnait une cause transcendant sa condition.
Bien que souvent dépressif, le suicide n’est pas une option pour les futurs tueurs car cet acte ne changera pas leur statut social. Ils sont plutôt inspirés par ce que l’on nomme le «suicide by cops», une situation dans laquelle il est certain que la police va abattre les tueurs, ce qui correspond au modèle hollywoodien. Cette fin glorieuse établira la réputation des tueurs en une seule performance, ce qui est plus simple que de se plier au modèle social standard, celui les ayant refusés. Lorsque Tamerlan s’est jeté sur les policiers au cours d’un affrontement, il pensait clairement à sa mort.
Le choix de la cible n’est pas anodin non plus. Les tueurs cherchent un endroit ou un événement qui symbolise la société qui les rejette. Le marathon de Boston, le plus vieux aux États-Unis, le jour des patriotes, un moment où des athlètes montrent leur performance, où les familles sont unies, les drapeaux nombreux, qui attire les caméras est la plateforme qu’ont choisi les frères Tsarnaev pour signifier leur rejet des normes sociales américaines. Dans ce cadre, cette tragédie s’explique par un échec d’intégration ayant pris des proportions gigantesques dans un univers fermé.
Francis Langlois
Professeur d’histoire
Cégep de Trois-Rivières
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