Argentina’s Debt and American Collateral Damage

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En condamnant l’Argentine à rembourser des fonds spéculatifs, la justice américaine pourrait bien avoir scellé le sort du dollar en tant que monnaie commune pour le commerce mondial.

À la fin du XIXe siècle, l’Argentine était un des dix pays les plus prospères de la planète. Cette situation s’est cependant dégradée après la Première Guerre mondiale. Au début des années 1990, les autorités avaient tenté d’endiguer son inflation chronique. L’échec de cette politique a mené à l’effondrement de l’économie en 2001.

Face à la faillite, ce pays avait obtenu une baisse de 70 % de sa dette. Le remboursement de 90 milliards de dollars avait alors été restructuré et ses paiements étalés dans le temps. Respectant ses engagements, Buenos Aires a depuis payé sa dette au FMI en 2006 et s’était entendue avec le Club de Paris. Son crédit était donc en voie de rétablissement dans plusieurs pays.

Ce gouvernement avait cependant renoncé à obtenir des fonds sur les marchés internationaux de capitaux, en raison des taux d’intérêt prohibitifs demandés.

Or l’Argentine est actuellement victime d’entreprises vautours américaines. Des fonds spéculatifs qui avaient racheté 48,7 millions de dollars de dettes d’autres compagnies ont réussi en 2013 à faire condamner ce pays par la Cour d’appel de New York à payer la totalité de la somme due, soit 1,3 milliard de dollars. La récente décision de la Cour suprême des États-Unis confirme cette condamnation. Des organismes déjà hypothéqués au niveau des valeurs morales comme Standard Poor’s en ont profité pour en ajouter une couche et baissent la note de la dette argentine. La réaction a été vive. Le pays refuse de rembourser les deux fonds spéculatifs américains et sa présidente, Cristina Fernández de Kirchner, s’est adressée à ses 41 millions de concitoyens pour dénoncer ce qu’elle considère être une extorsion.

Cette décision de la Cour suprême des États-Unis met en danger le système financier international et menace les futures restructurations de dette publique en dollars américains. Ce pourrait d’ailleurs être les États-Unis, et non l’Argentine, qui en souffriront le plus à moyen terme, car elle affaiblit la position de ce dollar dans la finance mondiale. Ne pas céder à l’extorsion n’est pas un signe de mauvaise gestion ou de mauvaise foi. La présidente argentine a d’ailleurs assuré que son pays honorerait ses engagements envers ses créanciers coopératifs. Elle le fera cependant en évitant d’utiliser le dollar et les organisations financières américaines. Ce dollar qui est la monnaie de réserve internationale vient de recevoir un autre coup.

L’utilisation internationale du dollar américain est de plus en plus problématique. Les États-Unis étouffent sous le poids de la dette. La récente stratégie de la banque centrale américaine consistant à imprimer 40 milliards de nouveaux dollars par mois dévalue rapidement les réserves de change des pays qui en possèdent. Au total, ce sont environ 6000 milliards de dollars en bons du Trésor américains qui circulent à l’étranger.

À elle seule, la Chine a 3000 milliards de dollars américains, dont 1200 milliards de ces bons du Trésor. La Russie en a environ 100 milliards. Il n’est donc pas surprenant que le contrat signé le 21 mai entre ces deux puissances soit libellé en yuans. Moscou fournira 38 milliards de mètres cubes de gaz pendant trois décennies à Pékin pour l’équivalent de 294 milliards d’euros. La Banque centrale du Congo a aussi décrété que, à partir de la fin 2014, les échanges nationaux en République démocratique du Congo devront se faire exclusivement en francs CFA. Comme si ce n’était pas assez, lors de son séjour en Indonésie, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé que l’or devrait remplacer le dollar américain à court terme.

Il y a donc actuellement un regain d’intérêt pour les devises asiatiques. Les nouvelles sanctions occidentales en Ukraine poussent d’ailleurs les sociétés russes à abandonner le dollar américain dans leurs transactions commerciales, au profit de la monnaie chinoise. Plusieurs ont ouvert des comptes en Asie et veulent renégocier les contrats déjà signés. La condamnation de l’Argentine à rembourser des fonds spéculatifs américains pourrait bien être la dernière goutte qui fera déborder le vase et poussera le BRIC à délaisser définitivement le dollar.

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