Barack Obama and the Impossible Break with the Bush Years

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Après les années Bush, Barack Obama est loin d’avoir satisfait au Moyen-Orient les immenses attentes qu’il avait suscitées. Reste que la plus grande rupture serait un rapprochement avec l’Iran. Mais on n’en est pas encore là.

« Un nouveau départ. » Le 4 juin 2009, dans un discours à l’université Al-Azhar, au Caire, près de six mois après son investiture à la présidence des Etats-Unis, Barack Obama voulait marquer sa rupture avec la politique au Moyen-Orient de George W. Bush et refonder la relation entre l’Amérique et le monde musulman. Une relation mise à mal après le 11 septembre 2001 par son prédécesseur et les « néoconservateurs », décidés à remodeler le Moyen-Orient à l’image de l’Amérique. Mais ce « nouveau départ » semble être en resté au stade des paroles.

Cinq ans après ce discours, qui avait suscité dans le monde arabe tant d’espoirs, le premier président noir américain se retrouve devant le même dilemme que son prédécesseur. L’armée américaine doit-elle intervenir en Irak ? L’Amérique doit-elle chasser du pouvoir à Bagdad des responsables incapables de mener une politique de maintien de l’unité nationale ? Certes, les conditions et les motifs d’une intervention en Irak sont différents. De même, les moyens qui pourraient être utilisés par le 44e président américain sont loin d’être les mêmes : il n’y a aucune commune mesure entre des troupes au sol appuyées par des raids aériens américano-britanniques, comme en 2003, et l’envoi, aujourd’hui, de quelques centaines d’instructeurs pour aider Bagdad à se défendre face aux djihadistes sunnites de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Ce qui n’a rien à voir avec le prétexte des néoconservateurs de George W. Bush : celui d’éliminer des armes de destruction massive (ADM) et de renverser le régime de Saddam Hussein pour imposer à Bagdad un régime favorable à Washington. Un prétexte qui s’est révélé mensonger, car les ADM de Saddam Hussein avaient été détruites après la première guerre du Golfe de 1991. Tout cela au nom d’un concept : celui de la préemption : attaquer avant même que son ennemi ait formulé le projet d’attaquer, et imposer la démocratie. Une stratégie de Bush qui avait été qualifiée de « wilsonisme botté », dans une référence au président Woodrow Wilson et à l’entrée des Etats-Unis dans la Première Guerre mondiale, au nom du combat pour la démocratie.

Il y a cependant des similitudes. Certes, la notion de préemption est absente du discours d’Obama et celle de Grand Moyen-Orient chère à Bush, un espace allant du Maghreb et de la Mauritanie jusqu’au Pakistan et à l’Afghanistan, n’est plus au centre du vocabulaire. Mais il n’est pas certain que tout ait disparu de la pensée stratégique américaine. Comme promis lors de son arrivée en 2009 à la Maison-Blanche, le président a fait sortir les troupes américaines d’Irak fin 2011 et prépare un départ progressif d’Afghanistan pour fin 2014, après treize années de présence militaire dans le pays. Mais il souhaite laisser sur place après le 31 décembre près de 10.000 soldats et plusieurs bases américaines. Le retrait total ne devrait intervenir que fin 2016, juste avant son départ de la Maison- Blanche. En Irak, la situation est différente et les Américains n’ont pas laissé de forces prépositionnées. Mais déployer des conseillers spéciaux rappelle à s’y méprendre la décision du président Kennedy d’envoyer des conseillers au Vietnam, qui a marqué le début du coûteux engagement américain dans ce pays d’Asie. D’autre part, même si Barack Obama n’a jamais défendu, en 2003, le principe d’une intervention en Irak, nombre de démocrates, comme son ancienne secrétaire d’Etat Hillary Clinton, ont soutenu les yeux fermés le projet de George W. Bush d’envahir ce pays.

La similitude ne s’arrête pas là. Le président américain, sans reprendre les termes de son prédécesseur, a poursuivi la lutte contre le terrorisme avec des moyens parfois identiques, comme la poursuite des bombardements de drones au Pakistan. Ce qui sous-entend une lutte couvrant un espace allant du Maghreb – y compris la Libye – et du Machrek jusqu’aux confins du Pakistan.

Certes, l’histoire est plus compliquée et le monde est, aujourd’hui, confronté à une tout autre donne, imprévue dans le discours du Caire de 2009 : les soulèvements en Tunisie, en Egypte, en Libye, qui ont fait chuter des dictateurs, laïcs, et ouvert la porte à des fondamentalistes islamiques. Ce qui oblige le président américain à la realpolitik. Washington est in fine relativement satisfait de voir le retour en Egypte d’un homme fort, en la personne du maréchal Al Sissi, après une triste expérience au pouvoir des Frères musulmans. En Libye, les Américains sont prêts à soutenir le général Khalifa Haftar pour rétablir un semblant d’ordre. Et devront-ils soutenir jusqu’au bout le Premier ministre irakien, le chiite Nouri Al Maliki ? Ce n’est pas sûr. Enfin, les grands espoirs suscités par Obama et son actuel secrétaire d’Etat, John Kerry, d’une relance du processus de paix au Proche-Orient se sont envolés. Obama doit affronter une autre réalité : l’Amérique n’est plus l’unique superpuissance de l’après-guerre froide, mais une puissance parmi d’autres. Après avoir affirmé que, si le régime de Bachar Al Assad utilisait des armes chimiques contre sa population, une « ligne rouge » serait franchie, menaçant de lancer alors des raids aériens contre des cibles militaires, Barack Obama a fait marche arrière face à l’opposition farouche de la Russie. Mais le plus grand changement au Moyen-Orient est encore à venir : celui d’un éventuel rapprochement entre les Etats-Unis et l’Iran. Une révolution copernicienne après trente-cinq ans de farouche inimitié entre les deux pays. Ce serait la plus grande rupture avec l’ère Bush, qui avait placé ce pays dans l’« axe du mal ».

Les points à retenir

Il y a cinq ans, Barack Obama avait voulu rompre avec la politique menée au Moyen Orient par son prédécesseur, en prononçant au Caire un discours de réconciliation.

Il se retrouve aujourd’hui devant le même dilemme que George W. Bush : l’Amérique doit-elle intervenir en Irak ? Et si oui, avec quels moyens ?

Déployer sur place des conseillers spéciaux rappelle à s’y méprendre la décision du président Kennedy d’envoyer des hommes au Vietnam, première phase du coûteux engagement américain dans ce pays.

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