FDR, Trade Unions, and the Public Interest

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Le héros de la gauche américaine était un défenseur assumé du droit d’association des travailleurs, mais son opposition à la syndicalisation des employés de la fonction publique était ferme et constante.

Franklin Delano Roosevelt a sans doute été le plus progressiste de tous les présidents américains.

Démocrate élu en 1933, il a hérité du désastre socioéconomique de la Grande Dépression et a entrepris la reconstruction d’un pays très durement éprouvé par la crise.

Il s’est attaqué de front à la réforme des marchés financiers. Il a passé des années à affronter une Cour suprême conservatrice, qui invalidait plusieurs de ses réformes. Et il a mis en place les politiques du New Deal — incluant la sécurité sociale et le salaire minimum — qui instauraient les fondements du filet social américain.

Franklin Roosevelt est un héros de la gauche américaine et une figure majeure de l’histoire des États-Unis. Dans les palmarès des présidents américains les plus admirés, il arrive au deuxième rang, derrière Abraham Lincoln et devant Washington et Jefferson. Plusieurs espéraient d’ailleurs que le président Obama, lui aussi élu dans un contexte socioéconomique difficile, s’inspire de FDR.

Sans surprise, Roosevelt était aussi un défenseur assumé du droit d’association des travailleurs. Il considérait que la reconnaissance de ce droit transcendait même «la controverse partisane». À plusieurs reprises, il a insisté sur «la nécessité et le bien-fondé du principe de négociation collective entre travailleurs et patronat».

À l’époque comme aujourd’hui, l’intérêt public est avancé — en théorie, du moins — par la recherche d’un compromis entre l’intérêt privé des travailleurs (meilleurs salaires et conditions de travail) et l’intérêt privé du patronat et des investisseurs (meilleures rentabilité et compétitivité de l’entreprise).

Par le jeu de la négociation et de la concurrence, les deux parties peuvent, en principe, en arriver à des ententes raisonnables pour tous. Si les patrons sont trop rapaces, ils risquent une révolte ou l’exode de leur main-d’œuvre vers la concurrence. Si les syndicats exagèrent, ils peuvent nuire à la compétitivité de l’entreprise et encourager sa faillite (auquel cas tout le monde est perdant).

Dans un monde idéal, tout le monde gagne quand patrons et travailleurs sont libres de chercher chacun leur intérêt, d’opposer leurs volontés et d’arracher des compromis à l’autre.

Cela dit, cette logique ne s’applique pas aux employés de l’État.

D’abord parce qu’en l’absence de concurrence (l’État exerce un monopole), rien ne garantit que les ententes seront raisonnables, et qu’elles ne donneront pas naissance à un régime ruineux ou inéquitable. Mais surtout parce que l’intérêt de l’État — contrairement à celui des travailleurs et du patronat — n’est pas privé, mais public.

Et c’est pourquoi Franklin Roosevelt — champion de la gauche et défenseur infatigable du bien commun — s’opposait à la syndicalisation des employés de la fonction publique.

Son opposition était ferme et constante. Dans une lettre célèbre sur le sujet, Roosevelt exposait sa pensée ainsi :

«All Government employees should realize that the process of collective bargaining, as usually understood, cannot be transplanted into the public service. It has its distinct and insurmountable limitations when applied to public personnel management. The very nature and purposes of Government make it impossible for administrative officials to represent fully or to bind the employer in mutual discussions with Government employee organizations. The employer is the whole people, who speak by means of laws enacted by their representatives in Congress. Accordingly, administrative officials and employees alike are governed and guided, and in many instances restricted, by laws which establish policies, procedures, or rules in personnel matters.

Particularly, I want to emphasize my conviction that militant tactics have no place in the functions of any organization of Government employees.»

En traduction libre :

«Tous les employés de l’État devraient réaliser que le processus habituel de négociation collective ne peut pas être transplanté à la fonction publique. Ce processus comporte des limites particulières, et insurmontables, quand on l’applique à la gestion des employés de l’État. La nature et le rôle de l’État font en sorte qu’il est impossible pour des agents du gouvernement de représenter adéquatement et de lier l’employeur lors de négociations avec des syndicats de la fonction publique. L’employeur, ce sont tous les citoyens, qui s’expriment par l’entremise de lois adoptées par leurs représentants au Congrès. Pour cette raison, tous les représentants et employés du gouvernement sont régis, encadrés et, dans bien des cas, limités par des lois qui établissent les politiques, les procédures et les règles en matière d’emploi.

J’insiste en particulier sur ma conviction que les tactiques militantes ne devraient en aucun cas faire partie des fonctions d’un syndicat d’employés de l’État.»

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Il va sans dire que ces idées devaient occuper bien des esprits la semaine dernière, quand certains employés municipaux ont allumé des feux pour défendre des conditions de retraite inimaginables pour le commun des travailleurs. Et on nous dit que ce n’est que le début.

Contrairement à d’autres qui marchent et qui crient, Franklin Roosevelt avait un discours rassurant, et il a passé la moitié de sa vie adulte paralysé des jambes, en fauteuil roulant. Reste à savoir qui parlait le plus vrai, et qui se tenait réellement debout.

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À propos de Jérôme Lussier

Jérôme Lussier est juriste et journaliste. Au cours des dernières années, il a notamment travaillé à Radio-Canada et tenu un blogue au journal Voir, en plus d’avoir été conseiller politique à la Coalition Avenir Québec. Il blogue sur les enjeux sociaux et politiques contemporains à L’actualité depuis 2013. On peut le suivre sur Twitter : @jeromelussier.

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