The Washington Monster

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En entrevue au magazine américain The Altlantic, Hillary Clinton a reproché à Barack Obama d’avoir laissé en Syrie un vide «rempli par les djihadistes», faute d’avoir aidé militairement l’opposition anti-Assad. L’entretien a été réalisé avant que les États-Unis lancent une offensive aérienne contre l’État islamique (EI). Vrai que le groupe djihadiste a profité de la crise syrienne pour devenir le monstre qu’il est devenu. Mais ce que Mme Clinton omet de dire, c’est que l’EI est une conséquence de l’invasion américaine en Irak.

Il y a 10 ans, quand les États-Unis ont attaqué le régime de Saddam Hussein, le groupe d’allégeance sunnite, qui était alors connu comme l’Al-Qaida d’Irak, s’est lancé dans une guerre confessionnelle tant avec les mouvements de résistance chiite qu’avec les forces d’occupation. La même chose s’est produite lorsque les États-Unis et ses alliés occidentaux ont attaqué la Libye de Kadhafi. Là aussi, les affrontements ont eu pour effet de renforcer le mouvement djihadiste.

Aujourd’hui, l’EI compte au moins 5000 combattants en Irak et environ 10 000 en Syrie. L’organisation, qui s’est autoproclamée califat, n’a qu’un objectif : essaimer, en commençant par instaurer, à cheval entre la Syrie et l’Irak, un État fondé sur la charia.

Les États-Unis refusent de s’en prendre directement au régime du dictateur Bachar Al-Assad, qui a le soutien non seulement de l’Iran chiite et du Liban, mais aussi de la Chine et de la Russie (qui empêchent toute intervention de l’ONU). Washington se contente donc de fournir des armes légères aux rebelles modérés de l’Armée syrienne libre, qui ne fait pas le poids contre l’armée d’Assad et les djihadistes de l’EI. Et il a longtemps hésité à le faire, conscient que ces armes risquent de finir entre les mains des extrémistes de l’EI. Entre deux maux, Assad et l’EI, Obama a choisi l’inaction.

Au fait, vous savez qui a aidé les djihadistes de l’EI avant qu’ils deviennent autosubsistants grâce notamment au pillage des banques de Mossoul? C’est ça, oui, des pays du Golfe, dont l’Arabie saoudite, amie des États-Unis.

La politique étrangère américaine, particulièrement celle qui concerne l’Orient, est remplie de ce genre de paradoxes. Souvenons-nous du Pacte de Quincy, signé en 1945 par le président américain Franklin Roosevelt et le roi Abdelaziz Al-Saoud, fondateur de la monarchie islamique saoudienne, une monarchie absolue qui applique une version rigoriste de l’islam et qui est réputée pour financer le terrorisme dans le monde arabe. L’accord, qui scellait pour 60 ans les relations de partenariat et de coopération entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, a été renouvelé pour une même période en 2005 par George W. Bush, pourtant en pleine guerre contre le terrorisme.

Rappelons-nous aussi l’Afghanistan de la décennie 1979-1989. Dans leur confrontation avec l’URSS, les États-Unis, par l’entremise de leurs services de renseignement, ont soutenu les moudjahidines à l’origine d’Al-Qaida.

Pour ceux qui en douteraient encore, Washington n’intervient en Orient que pour protéger ses intérêts géopolitiques et économiques (et ceux de ses plus fidèles alliés), quitte à pactiser avec le diable pour y arriver. La violation des droits de l’homme, tout comme les menaces chimique et nucléaire ne sont que de fabuleux prétextes pour justifier l’injustifiable.

Si les États-Unis ont décidé de bombarder les cibles de l’EI dans le nord de l’Irak, donc, ce n’est pas pour prévenir le génocide des chrétiens et des yazidis, comme l’a soutenu Obama, mais bien pour protéger les multinationales du secteur des hydrocarbures au Kurdistan.

En Syrie? Il y a des morts, plus de 200 000 depuis mars 2011 – on appelle ça comment, un massacre, un génocide? -, mais les États-Unis, comme ses alliés occidentaux d’ailleurs, n’y trouvent pas suffisamment d’intérêts qui justifieraient une intervention militaire coûteuse et risquée.

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