Islamic State: Can the United States Remedy the Crisis of Arab-Muslim Leadership?

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LE PLUS. Pour la première fois, les États-Unis ont mené une frappe aérienne contre l’État islamique (EI), au sud-ouest de Bagdad – ayant en amont réuni une coalition de pays musulmans arabes parmi lesquels l’Arabie Saoudite, le Bahreïn ou l’Irak (dont l’armée se bat actuellement contre EI). Quel rôle veulent jouer ici les États-Unis ? Décryptage d’Abdelmalek Alaoui, analyste politique.

Édité par Henri Rouillier Auteur parrainé par Céline Lussato

Un combattant kurde à la frontière de la zone irakienne détenue par l’État islamique, le 23/08/14 (CHINE NOUVELLE/SIPA).

Dans une interview accordée au “Parisien”, Jean-Pierre Chevènement estime que la “France n’a pas à caracoler au premier rang” dans la lutte contre l’État islamique (EI). Selon lui, les pays musulmans – qui sont les plus exposés – doivent prendre leurs responsabilités et “se débarrasser de cette lèpre”.

Pour certains observateurs du dossier, cette prise de position de l’une des figures françaises les plus respectées par la rue arabe pourrait confiner à un certain romantisme, voire à une méconnaissance des subtils mécanismes qui animent les relations interarabes.

De la difficulté d’un consensus interarabe

De surcroît, contrairement à l’opinion affichée par Jean-Pierre Chevènement, Paris est loin d’être en première ligne sur ce dossier, et la récente visite de François Hollande à Bagdad est largement perçue comme une tentative de faire oublier une actualité interne brûlante.

Il faut ici préciser que les pays musulmans – et plus spécifiquement les pays arabes – ont historiquement beaucoup de mal à dégager des positions communes, même sur des dossiers où un consensus pourrait pourtant être établi assez facilement, à l’instar du conflit israélo-palestinien.

Une crise de leadership

Au fond, la difficulté de mettre en musique une politique commune des pays musulmans à l’encontre de la prolifération islamiste en Irak et en Syrie est avant tout une crise de leadership des pays musulmans.

L’Arabie Saoudite, qui a longtemps joué les premiers rôles, semble en effet dans une phase de redéfinition de sa doctrine de politique étrangère sur fond de luttes de pouvoir.

Malgré cela, le Roi Abdallah reste une voix très écoutée par ses pairs et un signe fort de sa part pourrait certainement mettre une partie des protagonistes concernés par l’État islamique autour de la table.

Le nouveau cheikh du Qatar, quant à lui, est beaucoup moins enclin à poursuivre la stratégie de projection de puissance – faite d’un “devoir” d’ingérence systématique – adoptée par ce petit État au cours des dernières années. Tout ceci laisse les pays du Golfe en carence de leadership fort pour pouvoir fédérer des efforts communs efficaces contre l’État islamique.

Les États-Unis veulent-ils reprendre la main ?

C’est probablement parce qu’ils savent que Ryad reste leur meilleure option que les américains ont donc décidé de promouvoir une nouvelle initiative contre l’EI à partir de Jeddah.

En lançant une coalition de dix pays arabes – qui inclut l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, Oman, l’Egypte, l’Irak, la Jordanie, et le Liban –, Washington veut montrer que les États-Unis peuvent encore jouer le rôle de catalyseur des pays arabes et sont en capacité de les soutenir dans leur lutte contre le terrorisme islamiste.

Sauf que la position officielle adoptée par Barack Obama, qui consiste à déployer des moyens militaires supplémentaires – extension des frappes contre l’Etat islamique et envoi de 475 conseillers – apparaît comme une tentative de vouloir limiter l’investissement américain dans la région, et n’est pas de nature à rassurer les pays membres de la coalition.

Le rôle plus que limité de Paris

Dans ce contexte de timidité de la riposte US, la place que peut occuper Paris est très limitée.

Déjà engagée au Mali et en Centrafrique, la France n’est pas en capacité opérationnelle de déployer une force substantielle sur le terrain et est en proie à des défis de renseignement importants sur son sol pour tenter de contrecarrer les départs des candidats au djihad en Syrie et en Irak.

Si la récente arrestation de Mourad Fares, l’un des recruteurs principaux présumés de jeunes français candidats au djihad, constitue indéniablement un signal positif, elle ne doit pas pour autant masquer l’implication assez faible de la France dans le dossier. De même, la tenue de la conférence de Paris lundi matin au quai d’Orsay doit être interprétée comme une tentative de Paris de se replacer au centre du dossier ide l’État islamique, mais strictement sur le plan… diplomatique.

Pour cet ensemble de raisons, penser qu’un front commun des pays musulmans contre l’État islamique pourra se constituer rapidement et remplacerait une implication substantielle des grandes puissances militaires occidentales est probablement optimiste.

À moins que Jean-Pierre Chevènement, en incontestable connaisseur de la mentalité des pays arabes, n’en appelle à une réaction d’”honneur” de ces derniers, ce qui rendrait compréhensible sa sortie médiatique.

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