Barack Obama and the Coalition Against the Islamic State

<--

Barack Obama et la coalition à la peine face à l’État islamique

Les frappes aériennes ont ralenti, sans parvenir à l’arrêter, la progression des djihadistes dans Kobané.

Peut-on gagner une bataille aussi complexe que celle qui se joue en Syrie et en Irak depuis le ciel? Dire que Barack Obama, qui devait ce mercredi réunir ses généraux et conseillers à la Maison-Blanche, se retrouve sous pression est un euphémisme. Après des centaines de frappes menées en Irak, et près de 100 en Syrie, les résultats restent plus que mitigés. Le spectacle dramatique de la ville kurde syrienne de Kobané, où les pechmergas tentent de résister aux djihadistes, est devenue le symbole éclatant des limites des frappes aériennes dont le président, hostile à tout engagement au sol, a voulu faire le cœur de sa riposte. Le président américain doit constater aussi que son allié turc, peu pressé d’aller prêter main-forte aux Kurdes de Kobané, lui fait défaut pour l’instant. Un coup dur alors que la Maison-Blanche n’a cessé de souligner le soutien des pays musulmans à sa stratégie.

Les forces de la coalition ont mené près de 18 frappes dans la région, depuis le 27 septembre. Ce mercredi, ils sont encore allés frapper neuf cibles, dont six à proximité de la ville kurde assiégée, permettant de détruire quelques véhicules blindés, a précisé le commandement central américain (Centcom). Ces actions pourraient permettre de retarder un peu la chute de Kobané. Mais le Pentagone a reconnu ce mercredi que ces frappes ne permettraient pas de «sauver» la ville. La porte-parole du département d’État Jen Psaki avait admis mardi une situation «terrifiante», s’inquiétant pour les civils, mais les officiels américains notent aussi en privé que Kobané n’est pas un objectif stratégique pour Washington.

L’Amérique en est réduite à accentuer la pression sur Ankara

Plusieurs officiels sous couvert de l’anonymat ont reconnu dans la presse américaine que l’Amérique ne fera pas plus, tant qu’elle ne disposera pas d’une force de rebelles syriens au sol capables de l’aiguiller et de guider ses frappes. Un tel contingent, censé représenter une alternative «modérée» entre le régime de Bachar el-Assad et les extrémistes islamistes, est en cours de formation en Arabie saoudite et en Jordanie, mais ne sera pas prêt avant des mois, ajoute l’Administration.

Dans l’attente, l’Amérique en est réduite à accentuer la pression sur Ankara, dont la passivité crée visiblement une très forte tension entre les deux pays. L’armée turque s’est déployée sur sa frontière avec la Syrie mais ne bouge pas. «Ce n’est pas la manière dont un allié de l’Otan agit quand l’enfer se déroule à un jet de pierre» de chez lui, a confié, frustré, un officiel américain dans le New York Times. Le secrétaire d’État John Kerry a multiplié les coups de fil avec son homologue Davutoglu, et le général John Allen, en charge de coordonner l’effort de la coalition, est attendu à Ankara.

Le président Erdogan presse de son côté les Américains à s’attaquer au régime de Bachar el-Assad en échange de son engagement possible. Il demande une zone tampon – idée soutenue par la France – protégée par l’aviation américaine dans le ciel syrien. «Ce n’est pas nouveau, le secrétaire à la Défense Hagel et le chef d’état-major Dempsey ont déjà évoqué cette question», note Brian Katulis, expert du dossier au Center for American Progress. Il explique que cette idée de zone tampon, «tactiquement intéressante», pose «un vrai problème stratégique aux États-Unis dans la mesure où elle présuppose de s’attaquer à la défense aérienne de Bachar el-Assad, et donc de détourner l’angle de la campagne en cours», aujourd’hui centrée sur l’État islamique. «Cela poserait un vrai problème pour l’unité de la coalition. Les États du Golfe seraient sans doute ravis mais nous aurions un vrai problème avec Bagdad», dit Katulis. La Maison-Blanche a semblé mercredi écarter définitivement la question de la création d’une zone tampon, estimant que celle-ci «n'(était) pas à l’étude».

«Les demi-mesures» d’Obama

Le spectacle d’impuissance fourni par Kobané suscite en tout cas une pluie de critiques virulentes contre les «demi-mesures» du président, et son choix d’un non-engagement au sol en Irak. Les républicains sont bien sûr très critiques, à l’approche des élections de mi-mandat. Mais de virulentes attaques viennent aussi du propre camp du président. Son ancien secrétaire à la Défense, Leon Panetta, l’accuse de se comporter plus en «professeur» qu’en chef d’État. Panetta a estimé que le président ne s’était pas battu pour maintenir un contingent en Irak et avait tort d’exclure l’envoi de troupes spéciales au sol en Irak. «Je comprends son désir de répondre à la fatigue de la guerre de la nation», a-t-il dit, mais «les leçons du passé ne doivent pas paralyser» l’action présente.

About this publication